Prouesses du Gers

Le 09/04/2021
Conséquence de la décentralisation et de la spécificité du territoire, très rural, les élus du département du Gers s’emparent dès 2009 des questions alimentaires, avec pour point d’entrée la restauration collective. Cette volonté politique n’a depuis cessé de s’accentuer pour aboutir à une expérience unique en France autour des questions d’aide alimentaire.

 

Un service de restauration durable depuis plus de 10 ans

L'alimentation revêt un enjeu important pour les élus du département du Gers, nul doute, puisqu’ils portent une politique exemplaire voire unique en France, à commencer par la politique alimentaire des collèges. Ici, on parle d’un service de restauration durable depuis plus de 10 ans. Vingt sites de production pour servir 1 060 000 repas chaque année, auprès de 8 000 élèves dont 6 100 collégiens. « Toute la production des repas est réalisée en liaison chaude », précise Anne Comby, chef du service restauration durable des collèges.

Et si, en 2009, la politique alimentaire insistait sur l’utilisation de produits frais, elle a depuis bien évolué : « Nous privilégions les produits frais, locaux, biologiques, labellisés et de saison ». Pour François Massoutier, l’adjoint au service restauration, « la loi EGAlim est venue conforter notre démarche de qualité en restauration, une restauration labellisée “En cuisine” par la société Ecocert, sur l’ensemble des établissements ». Aujourd’hui, 11 collèges sont labellisés de niveau 2 (30 % de bio), « et nous prévoyons que tous les établissements atteignent cet objectif d’ici la fin de l’année » souligne Anne Comby.

Mieux encore, depuis la rentrée, deux établissements, le collège du Fezensaguet à Mauvezin et Françoise-Héritier à L’Isle-Jourdain, proposent des menus 100 % bio. « Cette montée en qualité ne fait pas l’objet d’une augmentation de tarif et des aides sont accordées en fonction des quotients familiaux. Le tarif est resté inchangé depuis plusieurs années ».

Du projet alimentaire territorial au groupement d'intérêt public

A l'origine, une volonté de coordonner les différents acteurs de l'alimentation

Vigilant à garantir l’équité et l’accès à une alimentation à tous, le conseil départemental veille à construire une politique alimentaire globale. À l’origine de tout cela, une réflexion menée sur la coordination des associations d’aide alimentaire qui a permis de faire se croiser des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de se côtoyer, ce qui a permis de construire un projet alimentaire territorial (PAT) en 2019 à l’échelle départementale, et pour aller plus loin, cette même année, le département crée un groupement d’intérêt public (GIP) “Gers Solidaire”, une expérience unique en France.

« L’idée du GIP fait suite au constat de plusieurs insatisfactions, des associations caritatives et solidaires, des élus, des travailleurs sociaux », souligne René Ortega, le directeur de Gers Solidaire. Les élus du département dont la compétence majeure est la solidarité considéraient que « cet investissement n’allait pas au bout des attentes. La fragilité des territoires persistait, et il fallait se doter d’un outil complémentaire et innovant. »

Au plus près des personnes concernées

Les changements ont commencé en 2014. « À l’époque j’étais directeur de l’action sociale du département, se souvient René Ortega. La commande est venue des élus, en particulier de la présidente Gisèle Biemouret qui s’interrogeait sur la faisabilité d’une plateforme d’aide alimentaire. » Dès 2015, les premières rencontres entre le conseil départemental et les associations caritatives et solidaires débutent. « Nous sommes les premiers en France à avoir mis en place ce type de modélisation
opérationnelle, et à marier toutes les associations caritatives - à l’exception des Restos du Coeur -, les collectivités territoriales (CCAS, CIAS) et le conseil départemental. »

En 2018, le département lance son “Anquête” pour connaître précisément la qualité du besoin territorial et celui des personnes concernées par l’aide alimentaire. « Ce sont eux les experts de l’usage. Ils ont une place prépondérante dans la mise en oeuvre et l’évaluation du plan d’actions. » Cette démarche inédite en France souligne la complexité du champ de l’aide alimentaire, tant sur la multitude des acteurs, des approches et des moyens, qui « empêchent souvent la bonne compréhension des besoins des personnes concernées. »

Un territoire mobilisé autour de ses valeurs

Pour le département, chef de file de l’action sociale, l’aide alimentaire est au croisement de plusieurs champs de compétences dont celui des CCAS et des CIAS dans leur rôle de premier secours et de proximité, celui des organismes sociaux dans la mise en oeuvre des droits, et enfin celui, pluriel et essentiel, relatif aux solidarités citoyennes de proximité des associations caritatives et humanitaires. L’aide alimentaire est aussi à la croisée des territoires, des équipements disponibles et de leur qualité, de la volonté politique locale et des ressources associatives en présence. Elle parle aussi du sentiment d’oubli et de relégation des territoires ruraux qui se traduit par toutes les formes de désertification présentielle des services.

Mais aujourd’hui, malgré les effets de la crise sanitaire, malgré l’intensification des besoins, le Gers fait des prouesses. Cette globalisation territoriale de l’aide alimentaire a permis d’augmenter les dons de 50 % : « Sur notre dernière collecte de la Banque alimentaire, nous avons récolté 60 tonnes de produits au lieu des 40 tonnes prévues. C’est grâce à la communication, à la sensibilisation, que la population s’engage. » Une expérience qui prouve une nouvelle fois les valeurs d’un territoire surtout lorsqu’il s’agit d’alimentation.

L'autre cuisine