Légumineuses et céréales, elles ne nous veulent que du bien

Le 09/02/2021
N’en déplaise à certains appétits, un bon repas peut être un repas sans viande. Ce moment ne doit pas être vécu, ni par les cuisiniers ni par les convives, comme une contrainte, une punition, mais bien une opportunité. Celle de s’aventurer sur de nouveaux produits et d’en redécouvrir d’anciens. Avec un accompagnement adéquat, la transition va se faire tout en douceur et en saveur.
 

Dans les pays occidentaux, les consommations de protéines animales n’ont cessé d’augmenter depuis le début du XIXe siècle. Elles représentent aujourd’hui en France environ 60 % à 70 % des apports protéiques, contre 30 % à l’échelle mondiale, selon INCA 3 (Anses, 2017). En réponse à des considérations environnementales, nutritionnelles, religieuses ou encore liées au bien-être animal, le regain d’intérêt pour les alternatives végétales est notable dans l’Hexagone. Les Français en consomment davantage à leur domicile et souhaitent les retrouver dans leurs assiettes au restaurant. Dans le secteur scolaire c’est un peu différent, puisqu’il s’agit d’une obligation, suite à un amendement à la loi sur l’agriculture (Egalim), de proposer un menu végétarien une fois par semaine. Mais, peu importe les raisons, les céréales et les légumineuses sont les nouvelles stars des plateaux.

 

Passez en mode action

Légumineuses et céréales, sources de fibres et protéines

 

Les céréales, qui représentent souvent la première source de protéines du repas végétarien, offrent une grande richesse de variétés. Il y a les plus connues comme le blé, le boulghour, le riz, le maïs, le seigle ou encore l’épeautre, et celles qui méritent de figurer plus souvent dans les menus à l’image du millet avec son petit goût de noisette lorsqu’il est grillé, du sarrasin, de l’avoine et de l’orge. Quant au quinoa, originaire d’Amérique du Sud, s’il est utilisé comme une céréale, il fait en réalité partie de la famille des épinards. Côté légumineuses, également appelées légumes secs, même amplitude d’opportunités entre les haricots rouges, les haricots blancs, les pois chiches, les lentilles, les flageolets, les petits pois, les fèves ou encore les pois cassés qui sont, pour la petite histoire, des petits pois récoltés tardivement, débarrassés de leur enveloppe avant d’être fendus en deux.

De l'accompagnement au plat complet


Les céréales et les légumineuses sont présentes dans les recettes de nos terroirs, mais elles le sont le plus couramment en accompagnement. Les lentilles sont volontiers associées à un petit salé. Les pois cassés apprécient, eux, la compagnie d’une saucisse de Morteau. Et la liste est longue, très longue.

Si ces recettes qui font partie de notre patrimoine culinaire conservent bien évidemment toute leur place, les légumineuses et les céréales peuvent se suffire à elles-mêmes. Un seul exemple, le bourriol 100 % auvergnat, une sorte de crêpe à base de farine de sarrasin que l’on peut garnir de cantal pour respecter la tradition et accompagner d’une salade verte. Pour réchauffer l’hiver, la soupe de légumes et son quinoa, la crème d’orge perlé et le velouté de maïs sont parfaits. Autres suggestions, qui se moquent bien des saisons et qui n’ont plus rien à prouver : les beignets, qu’il est aussi possible de préparer à partir de farine de sarrasin. Les galettes de pommes de terre, si délicieuses soient-elles, peuvent de temps en temps laisser leur place à des galettes de brocolis et blé tendre complet. Les croquettes peuvent être composées de lentilles ou de haricots blancs ou rouges. Des idées sont aussi à picorer dans les cuisines étrangères. Et lorsqu’il est question de voyages culinaires, les convives sont toujours partants. Avec les pad thaï aux nouilles de riz, vous mettez un petit coin de Thaïlande dans les assiettes. Pour une pause en Italie prévoyez un risotto, mais cette fois avec du millet et des fèves ou de l’orge perlé et une polenta revisitée puisque parfumée avec des légumes (courgette, potiron, carotte, chou-fleur... en fonction des saisons). Le Moyen-Orient vous ouvre ses portes avec ses falafels et son houmous.

Autre pays qui peut être une excellente source d’inspiration, car sa tradition végétarienne y est ancrée depuis des siècles, l’Inde avec ses dahl aux lentilles et aux épices et ses curry de pois chiches.

 

Végétalisez en toute zénitude

 

Il n’est généralement pas nécessaire de bouleverser ses pratiques culinaires, pour rendre gourmandes des recettes à base de céréales et de légumineuses. Quasiment tous les plats de viande ou de poisson peuvent être déclinés en délicieuses versions végétariennes. Aux plus audacieux l’invention de nouveaux plats. Ceux qui préfèrent d’abord suivre une formation, n’ont que l’embarras du choix.

Selon leurs attentes sont abordés des thèmes comme la diversité des variétés de céréales et légumineuses, leurs richesses nutritionnelles, les achats et bien entendu les techniques de cuisson adaptées et la réalisation de fiches techniques.


Une recette, si goûteuse soit-elle, aura souvent besoin d’être accompagnée d’un discours approprié. Un sujet que les formateurs mettent immanquablement à leur menu. Ils conseillent, par exemple pour les plus jeunes, une intégration progressive avec des classiques comme le chili et les lasagnes végétariennes et des hamburgers réalisés avec des galettes végétales.


Autre cible qu’il faut souvent guider, le convive masculin. Sans faire de généralité, ce dernier va au restaurant pour se faire plaisir et cela passe par le triptyque entrée - plat (composé d’une viande ou d’un poisson et de son accompagnement) - dessert. La viande a une place toute particulière dans notre pays, c’est un marqueur social et elle reste encore souvent perçue comme un élément définissant un "vrai repas".

 

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Entre produit brut et produit semi-préparé, que choisir ?

À chaque besoin sa réponse. Aux équipes qui plébiscitent les produit bruts, les entreprises doivent être en mesure d’apporter des solutions. « Les chefs nous demandent beaucoup de légumes secs bruts et des poches avec des mélanges de céréales, confie Pierre Conjaud, Directeur commercial et marketing RHF chez Vivien Paille. Ce qui fonctionne le mieux en ce moment, ce sont les choses simples. Avec les produits bruts, les chefs ont un maximum de liberté, ils peuvent pleinement s’exprimer. Grâce à cet engouement, des cultures historiques comme celle du pois chiche et du haricot rouge, qui avaient disparues de nos champs, réapparaissent. Elles permettent aussi une meilleure rotation des cultures et luttent ainsi contre l’appauvrissement des terres. Des cultures locales, comme le riz de Camargue, sont également de plus en plus demandées en bio. »

Les équipes qui veulent des produits semi-préparés et souhaitent y apporter leur signature, peuvent compter sur plusieurs start-up qui se sont lancées dans la conception de solutions coeur de repas et cela ne date pas d’hier.

 

Quand alternative rime avec innovation

« Pour nous, il s’agit effectivement d’une vieille histoire, commente Ronan De Dieuleveult, directeur relations institutionnelles chez Mille et un Repas. Nous n’avons pas attendu une obligation légale, dans les établissements scolaires, pour proposer des solutions végétales. Nous avons commencé à travailler sur la préparation de steaks et de boulettes de légumes, il y a déjà 5 ans, avec deux anciens élèves de l’ISARA, une école d’agronomie lyonnaise. Bien entendu, certains chefs étaient réticents à l’idée de travailler des alternatives végétales, mais ils étaient également très attentifs et comme il y a eu de bons retours des convives, ils se sont pris au jeu et imaginent depuis des préparations, car il faut aller au-delà des lasagnes végétariennes. »

L’innovation doit en effet être constante au niveau des recettes pour gagner en goût, en texture et en originalité. « L’enjeu est bien de plaire aux convives, en leur proposant des préparations "fun", explique Nathalie Douis, directrice marketing food Service chez d’aucy. Nous travaillons notre offre bien au-delà du scolaire, car il y a un vrai intérêt de tous les publics pour le végétal. C’est pour cette raison que nous avons imaginé un guide destiné aux chefs proposant des recettes végétariennes et gourmandes (risotto aux petits pois, far breton aux légumes, curry de pois chiches bio...). Pour ces gammes, comme pour toutes les autres, tant en conserve qu’en surgelés, nous devons aussi répondre aux besoins de plus en plus conséquents des utilisateurs en produits bio et en produits labellisés. Nous en avons déjà un bel éventail. Je pense par exemple aux lentilles du Berry et aux mogettes de Vendée. Pour varier les plaisirs, les chefs peuvent aussi travailler les oeufs, sous différentes formes, ils sont d’excellents alliés des légumineuses et des céréales. »

 

Misez sur la filière française

 

Si une dizaine de céréales sont cultivées en France, la production se concentre sur quatre espèces : blé tendre et blé dur, maïs grain, orge. Chaque année, ce sont 70 millions de tonnes de céréales qui sont récoltées. La filière génère une valeur ajoutée de près de 21 milliards d’euros et représente 450 000 emplois. 54 % des exploitations françaises cultivent des céréales, soit plus de 256 000 exploitations. Quant aux légumineuses, elles sont cultivées par plus de 2 000 producteurs. Bien entendu, tous les territoires ne peuvent fournir l’intégralité des variétés ni tous les volumes, mais il est toutefois possible d’acheter français pour la majorité des produits. Une légumineuse est particulièrement concernée par le made in France, le soja. Car si la mise en culture d’OGM sur le territoire français est interdite, l’importation et l’utilisation du soja OGM provenant notamment du Brésil restent légales.

C’est pourquoi certains industriels privilégient le soja français dans leurs cahiers des charges. « C’est notre choix, confirme Delphine Maussion, chef de projets de développement chez Triballat Noyal. Nous maîtrisons ainsi toute la chaîne de production. Grâce à la maîtrise de procédés d’extraction spécifiques, sans solvants, nous pouvons prétendre à une extraction naturelle et qui dispose ainsi du Clean Label. Et face à certains clients qui ne souhaitent plus consommer de soja, nous avons mis au point de nouvelles gammes, par exemple des boulettes avec de l’épeautre et du lupin. »

 

Attention aux étiquettes !

 

Proposer des alternatives végétales déjà préparées, pourquoi pas, mais autant privilégier celles qui sont fabriquées avec des produits le moins transformés possible. Il n’est pas rare que des pourcentages n’apparaissent pas, même les plus importants comme celui de la chapelure ou de l’huile dans certains panés. Il ne faut pas non plus oublier que les galettes, comme les boulettes et les nuggets, même s’il s’agit de préparations végétales, sont cuites dans un bain de friture. Silence aussi parfois sur le pourcentage et la composition des épaississants et des enrobants. Si la majorité des entreprises s’inscrivent dans des démarches vertueuses, cela ne doit pas dispenser les acheteurs de la lecture des étiquettes avant de s’engager.

Hélène Dorey