Gaspillage alimentaire : on fait le point

Le 17/09/2021

Longtemps ignoré, pas encore disparu, le gaspillage alimentaire est un combat permanent devenu fer de lance de la politique alimentaire française. Alors que les premières législations en la matière datent de 2015, le gaspillage alimentaire est à nouveau sur la table des lois à venir.

Décryptage

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, 17 % de la nourriture produite dans le monde serait finalement gâchée, soit 931 millions de tonnes d’aliments gaspillés par an, dont 5 % par la restauration.

En France, le gouvernement tente de réguler ce gaspillage alimentaire depuis 2015. Il y a eu la loi TECV (pour la restauration collective publique), puis la loi Garot en 2016, appuyée par la loi EGAlim pour la restauration collective, puis la loi Agec en 2020 (lire plus bas). Guillaume Garot, député de la Mayenne à l’origine de la loi de 2016, a formulé de nouvelles propositions de loi en début d’année.

Parmi elles, la création d’un fonds d’aide aux acteurs pour valoriser leurs démarches en matière de gaspillage alimentaire, l’augmentation des contrôles auprès des restaurateurs ou encore la décision de faire du gaspillage alimentaire une grande cause nationale annuelle. « J’ai déposé ces nouvelles propositions en considérant qu’il fallait en permanence nourrir la dynamique, nous doter de nouveaux outils pour répondre aux insuffisances que nous avons constatées », indique le parlementaire.

UNE POLICE DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE ?

L’insuffisance en question repose essentiellement sur le manque - ou l’absence, selon certains professionnels - de contrôles concernant l’interdiction, datant de 2016 pour la distribution, 2018 pour la restauration collective, de détruire de la nourriture consommable. « Il faut intégrer une dimension de lutte contre le gaspillage pour ces services du ministère de l’Agriculture qui vont sur le terrain pour contrôler », poursuit Guillaume Garot. Ce dernier a fait réaliser, en 2019, une évaluation de la loi de 2016, qui souligne que les dons des grandes surfaces ont augmenté de 23 %.

Pour l’Ademe, ce chiffre ne signifie pas grand chose. « Il y a eu certes une augmentation du don mais au détriment de la qualité, indique Laurence Gouthière, référence sur la thématique “Gaspillage alimentaire” à l’Ademe. Il n’y a visible ment pas eu de contrôle, mais ces nouvelles propositions de loi montrent que cette fois, on va plus loin. Depuis les diverses lois successives au sujet du gaspillage alimentaire, de nombreux arrêtés et décrets sont venus détailler certains points les uns après les autres. On voit bien que la législation se durcit progressivement ».

 

UN BESOIN URGENT DE DIAGNOSTIC

Ce manque de chiffres concrets sur le gaspillage alimentaire a aussi motivé la proposition de Guillaume Garot pour une mesure du gaspillage alimentaire. « Chacun devra chiffrer, sur une base annuelle, la quantité de denrées non consommées », explique le député.

Pour Laurence Gouthière, « il devient impératif de faire un réel diagnostic, on n’a aucun chiffre officiel. Ça nous permettrait au moins de prendre conscience de notre évolution positive au fil des actions ».

En première ligne de cette “mesure” obligatoire, les acteurs de la restauration collective qui sont, à en croire l’Ademe, « les plus avancés sur la question du gaspillage », selon Laurence Gouthière. Guillaume Garot confirme : « Il y a eu beaucoup de prises de conscience, des opérations de formations dans les cuisines, auprès des acheteurs… Il faut qu’il y ait un travail commun pour qu’on puisse miser sur la qualité. »


DANS L’ATTENTE DE LA LOI “CLIMAT ET RÉSILIENCE”

Après passage en commission, les propositions de Guillaume Garot n’ont pas toutes été conservées. Si le gaspillage alimentaire en tant que grande cause nationale, le durcissement des contrôles ou encore l’obligation de mesurer les pertes ont retenu l’attention, ce n’est pas le cas de la “prime aux assiettes vides” pour la restauration universitaire, l’obligation d’intégrer l’éducation alimentaire dans les programmes scolaires ou la création d’un fonds d’aide aux acteurs de la restauration pour mettre en place des solutions de valorisation de déchets alimentaires.

« Rien n’est encore voté, rien n’est encore perdu, déclare Guillaume Garot. Je vais rédiger à nouveau ces idées et les soumettre pour la loi “Climat et résilience” qui aura son volet sur le gaspillage alimentaire ». Affaire à suivre donc.

Si on comptait les inscriptions à la cantine ?

C’est, pour Laurence Gouthière de l’Ademe, l’une des premières choses à faire pour réduire son gaspillage alimentaire. « La partie prévention est bien plus importante, il faut éviter les excédents en commençant par une restauration à la carte, explique la référente “gaspillage alimentaire” à l’Agence de la transition écologique. Quand un établissement s’attaque à ce sujet, on arrive facilement à réduire le gaspillage de 10 à 20 % mais le palier des 30 à 50 % est plus compliqué. La loi Agec, avec l’objectif de réduire ses pertes de 50% d’ici 2025, est ambitieuse là-dessus ».

L’initiative de Meal Canteen propose justement aux acteurs de la restauration collective de gérer numériquement ses inscriptions à la cantine. « Sur le plan mondial, en ce qui concerne le gaspillage, on avait des solutions qui s’intéressaient au sujet en aval, quand c’est déjà trop tard et que le déchet existe déjà, raconte Denis Olivier, multi-entrepreneur passionné et fondateur de la start-up Meal Canteen. La loi a retenu des choses comme le don aux oeuvres caritatives, mais cela ne résout pas le problème des émissions de gaz à effet de serre car la production a déjà eu lieu ».

Meal Canteen se positionne auprès des parlementaires afin de faire adopter une mesure pour rendre la réservation à la cantine obligatoire. Denis Olivier poursuit : « On porte un amendement pour la loi “Climat et résilience” à venir ». Les clients de Meal Canteen, parmi lesquels les armées françaises, peuvent aussi bénéficier, via l’application, de services tels que les informations concernant la composition des plats, le paiement à l’avance mais aussi une notation qualitative permettant « de challenger les équipes », selon le professionnel. « Nous travaillons essentiellement avec des cuisines en gestion directe qui n’ont aucun intérêt à produire plus que nécessaire ».

Les diverses lois dans le détail pour la restauration collective


Loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV), août 2015

Obligation d’une démarche en faveur du gaspillage alimentaire en restauration collective publique.

Loi Garot, février 2016

Information et éducation dans les écoles, encadrement du don de denrées.

Loi EGAlim, octobre 2018

Obligation d’un diagnostic pour la restauration collective publique et privée, interdiction de dénaturer des denrées encore consommables, obligation de partenariat de don et éducation autour du gaspillage dans le secondaire.

Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), février 2020

Réduction de 50 % du gaspillage alimentaire d’ici 2025 pour la restauration collective.

 

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