L’avant-scène du conseil des politiques alimentaires

Le 30/10/2021

Le Conseil national de l’alimentation, CNA, présidé par le député Guillaume Garot, est une instance consultative indépendante, placée auprès des ministres chargés de l’environnement, de la consommation, de la santé et de l’agriculture. Ce conseil est consulté sur la définition de la politique publique de l’alimentation et rend des avis sur les questions qui s’y rapportent.

Depuis février de cette année, Sylvie Vareille, secrétaire interministérielle, dirige une équipe renouvelée. Comme de coutume au CNA, « nous avons un programme de travail toujours très chargé, souligne Guillaume Garot, président de cette instance. Nous sommes la seule instance qui rassemble la diversité des acteurs de l’alimentation avec une volonté d’être dans le débat, en permanence, mais aussi d’être force de propositions opérationnelles. Le CNA est un facilitateur, un accélérateur des politiques publiques. Il aide les pouvoirs publics, l’État, pour qu’ils soient plus efficaces dans la mise en oeuvre d’une politique alimentaire. Les professionnels qui participent à nos travaux, les experts, les scientifiques, etc., apportent cette garantie. »

Pour certains, le CNA est ce lieu unique qui permet de perpétuer les débats des États généraux de l’alimentation sur les questions alimentaires. Et le député de préciser : « Nous nous situons dans le cadre du débat européen car toute la réglementation alimentaire est européenne, comme la politique agricole. L’alimentation ressort de décisions qui sont prises au niveau européen. Il est donc légitime que nous puissions intégrer tout cela dans nos travaux. »

Une histoire en devenir

Concernant la restauration collective, Guillaume Garot est clair : « La restauration collective n’est pas uniquement du ressort d’une politique de l’État mais le plus souvent, d’une politique des collectivités locales. Même si la prise de conscience du rôle de la restauration collective est bien là, trop souvent ce service public passe en-dessous des radars du politique. Si on veut améliorer l’accès à une alimentation de qualité, cela passe par la restauration collective. Ce service public est un levier efficace, et nous sommes sans doute au début d’une nouvelle page d’histoire pour ce secteur.

Le lien avec les producteurs, la précarité alimentaire, le bien manger doivent être abordés avec la restauration collective. De nouvelles alliances entre le monde rural et les villes passent par des actions pour revaloriser ce service. Nul doute, la restauration collective peut être un formidable outil de politique publique alimentaire au service de la cohésion du pays, aux niveaux territorial, social, et par sa responsabilité environnementale. »

De la sobriété des emballages

Même dans ce contexte de crise sanitaire, le CNA a poursuivi ses travaux. Deux nouvelles recommandations ont été publiées récemment : “La sobriété des emballages alimentaires” (Avis 88) et “Un retour d’expériences de la crise Covid-19” (Avis 89).

Pour une meilleure gestion de crise. Dans l’Avis 89, deux pistes d’action sont proposées pour développer une meilleure sécurisation de la logistique à tous les niveaux de la chaîne alimentaire, ainsi que deux leviers à privilégier pour une réponse plus efficace de la crise, dont l’approche territoriale. On trouve aussi quatre pistes d’action pour une meilleure adaptation des maillons de la chaîne alimentaire en temps de crise, dont : « Adapter les secteurs de la restauration collective et commerciale à une situation d’urgence pour un accès à tous à une alimentation durable en temps de crise. »

Un contexte réglementaire riche

La question de la réduction des emballages s’inscrit dans un contexte réglementaire et législatif riche et mouvant : réglementation et propositions européennes, lois Agec et EGAlim, projet de loi “Climat et résilience”, etc. Et compte tenu de l’ampleur de la thématique, le groupe de travail a rendu deux premiers avis sur “Les emballages plastiques des fruits et légumes” et “La substitution des contenants en plastique en restauration collective”.

La vente en vrac

Un troisième avis a été rendu sur la question de la vente en vrac qui suscite des attentes de la part des consommateurs. « Sur ce sujet, nous constatons qu’il est nécessaire de faire tout un travail d’information, un travail sur les changements de pratique, sur les modalités de mise en oeuvre de ce service et un accompagnement de l’évolution des mentalités des consommateurs. Tout ceci pour qu’au final cela réponde à un triptyque qui repose sur la réduction des emballages les plus défavorables à l’environnement, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la maîtrise des risques sanitaires, en préservant l’information des consommateurs. »

Une nécessaire participation citoyenne 

« Dans nos débats, nous intégrons la participation citoyenne, insiste le député. Je suis convaincu que cette démocratie participative enrichit notre démocratie représentative. L’expression des citoyens est un véritable matériau pour la construction des avis et des recommandations du CNA. Nous avons cette dimension citoyenne dans les avis rendus récemment et en particulier sur la question de la vente de produits en vrac, où 70 % des recommandations sont liées à ce débat citoyen.

Lorsque l’on parle des consommateurs, il faut avoir une vision très large, et le développement du vrac concerne aussi bien la restauration et plus particulièrement la restauration collective. Rien ne s’oppose à ce que le vrac soit davantage utilisé dans ce secteur. Cela fait partie de l’évolution des mentalités, des modes de distribution et d’organisation, de sorte que nous ayons pour un même cahier des charges sur la qualité, le plus juste prix. Le vrac, c’est aussi une façon de lutter contre le gaspillage alimentaire, une façon d’être plus responsable vis-à-vis de ses achats pour la préservation de l’environnement. C’est une manière d’être dans la sobriété dans l’utilisation des emballages alimentaires. »

La crise sanitaire

Pour le président du CNA, la crise de la Covid-19 a révélé les forces et les faiblesses de nos systèmes alimentaires, au niveau national, européen et mondial, c’est pourquoi le CNA a créé un groupe de concertation “Un retour d’expérience de la crise Covid-19” (Avis 89). Ce groupe a capitalisé sur les expériences des membres du CNA afin de formuler des recommandations visant à accroître la résilience du système alimentaire français.

« Le déclenchement de la crise Covid-19 a renforcé la nécessité de développer une vision plus systémique du fait alimentaire, à travers la mise en oeuvre de l’approche One Health (Une santé) à tous les niveaux de la chaîne alimentaire, bien sûr la santé humaine, mais aussi la santé de la planète. Parallèlement, cette crise a mis au jour une nouvelle ampleur de la précarité alimentaire, mettant en évidence les inégalités d’accès à une alimentation durable. Ceci doit nous inviter à développer une réflexion sur le droit à l’alimentation et la démocratie alimentaire.

C’est pourquoi nous devons nous interroger pour savoir si nos outils publics sont suffisants aujourd’hui pour lutter contre cette précarité alimentaire, et le CNA va continuer à travailler sur ce sujet. Nous devons aussi nous demander si, dans un grand pays riche comme le nôtre, nous ne devons pas garantir un socle alimentaire, ce que certains appellent une “sécurité sociale alimentaire”. Cela fait partie des sujets de débat. Il faut veiller à notre souveraineté alimentaire pour nourrir celles et ceux qui vivent sur notre territoire. »

 

 

 

Guillaume Garot 
Député de la Mayenne et président du Conseil national de l’alimentation (CNA)

 

 

 

 

Echanges : les marques régionales

« Si l’on comprend très bien l’intérêt économique du déploiement des marques régionales, s’interroge François Mauvais, président de l’Association Cantines Responsables, nous aimerions avoir votre avis sur les démarches mises en place par les collectivités à développer des marques régionales voire départementales, car nous nous questionnons sur l’homogénéité de la qualité et surtout sur la qualité avérée de ces produits. À l’heure où la restauration collective doit valoriser la qualité et la durabilité de ses achats alimentaires, est-ce une opportunité ? Ne faudrait-il pas faire le tri car rien ne prouve les qualités de ces labels, marques ou logos … excepté le fait qu’ils soient “local” ! »

Pour Guillaume Garot, membre du conseil régional Pays de la Loire, « s’il ne s’agit que d’un habillage marketing, ces actions sont insuffisantes. Autant je suis favorable à ces démarches locales valorisant des savoir-faire permettant une valorisation économique des territoires, autant je trouve qu’il ne faut pas négliger les notions environnementales et sociales. Nous devons orienter ces politiques en structurant des cahiers des charges exigeants et progressifs. C’est comme cela que les territoires tireront leur épingle du jeu autour de la valorisation des produits locaux.

Par contre, nous devons aussi rester vigilants sur la diversité de ces marques et ne pas y perdre le consommateur. De mon expérience de ministre délégué à l’Agroalimentaire, je peux aussi ajouter que cette remarque vaut pour les marchés internationaux. Plus nous sommes loin de la France, plus les produits peuvent être plébiscités – une marque française est une référence –, mais il ne faut pas décevoir. Il faut être capable de mettre en avant “la marque France”, au-delà des marques régionales, en s’assurant d’une exigence de qualité qu’il faut toujours porter. »

Laurent Terrasson