CNRC : Une instance utile et efficace

Le 04/04/2023

Entretien avec Philippe Vinçon, président du Conseil national de la restauration collective (CNRC), cette instance privilégiée de concertation pour toute la restauration collective, privé ou publique, pour tous les secteurs.

Pouvez-vous nous rappeler les origines du CNRC ?

La restauration collective joue un rôle majeur dans la vie des Français qui l’utilisent largement dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités, les entreprises, les hôpitaux, bref, à tous les moments de la vie. Elle contribue à fournir une alimentation diversifiée, saine, en phase avec la place que joue la cuisine dans notre culture. C’est aussi un élément de cohésion sociale car c’est à table que les conversations se nouent, les échanges se font, la confiance s’installe. Grâce à des tarifs souvent subventionnés, elle donne aux plus modestes un accès à une alimentation équilibrée et de qualité. Enfin, c’est aussi un secteur économique important et la France a la chance d’avoir des champions mondiaux et européens.

La restauration collective a fait l'objet de nombreuses propositions au cours des États généraux de l’alimentation (2018). Certaines d’entre elles, de nature législative, ont été adoptées dans la loi Egalim, dont la loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » (Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018). En effet, la transition agroécologique de notre agriculture ne réussira que si elle s’appuie sur une transition alimentaire dans laquelle la restauration collective doit jouer un rôle majeur. C’est pourquoi le législateur a fixé des objectifs ambitieux dans le cadre de la loi Egalim, qui ont été renforcés par la loi Climat et résilience. Ce cadre législatif vise notamment à améliorer la qualité nutritionnelle des repas, l’information du  consommateur,  la lutte contre le gaspillage alimentaire et la substitution des plastiques. La mesure la plus emblématique est celle qui stipule que les entreprises publiques de restauration collective doivent atteindre un taux d’approvisionnement d’au moins 50% en produits de qualité et durables, dont au moins 20% de produits issus de l’agriculture biologique. Cette disposition constitue une réforme prioritaire de l’État.

Afin de créer un lieu d’échange dont ce secteur ne disposait pas, de suivre la mise en œuvre des objectifs fixés par le législateur et d’accompagner les acteurs dans leurs projets, le Conseil national de la restauration collective (CNRC) a été mis en place au début de l’année 2019. Il réunit l’ensemble des acteurs publics et privés concernés par l’alimentation en restauration collective et travaille dans un esprit de concertation et de coopération pour que les objectifs fixés par la loi soient atteints au plus vite.

Le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, m’a sollicité le 16 septembre 2022 pour présider cette instance à la suite de Mireille Riou-Canals, conseillère maître à la Cour des comptes, à qui je rends hommage pour son implication pour que le CNRC soit une instance utile et efficace. J’ai présidé le conseil le 12 décembre 2022 pour la première fois.

Comment s’organise le CNRC ?

Le CNRC compte soixante-six membres et sept collèges : restauration collective, producteurs agricoles,  transformateurs et distributeurs, opérateurs de l’État et des collectivités, représentants de la société civile et des convives, représentants des associations expertes en nutrition, représentants des établissements publics du secteur de la santé et de l’État. Le secrétariat du CNRC est assuré par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui associe les ministères compétents sur des sujets interministériels (santé, transition écologique, éducation nationale, économie et finances).

Lors de la séance du 12 décembre, j’ai été frappé par la qualité des membres de conseil, leur engagement et leur volonté de rechercher des solutions en lien avec les représentants de l’État afin de résoudre les défis auxquels est confrontée la restauration collective. Ainsi, le CNRC peut accompagner au mieux les acteurs de la restauration collective dans les transformations qui sont en cours. Sa force réside dans l’implication et la diversité de ses membres et sa capacité à faire le lien  entre  tous  les  acteurs  pour proposer des solutions équilibrées.

Pourriez-vous nous préciser les dossiers sur lesquels travaille le CNRC ?

Lors de la séance du 12 décembre, le CNRC a fait le point sur la prise en compte de l’inflation dans les achats alimentaires et sur la réduction des emballages plastiques.

A été aussi évoquée la question d’une meilleure intégration des principes scientifiques de nutrition dans la définition et l’équilibre des menus, ainsi que la participation des représentants de la restauration collective aux comités régionaux de l’alimentation (CRALIM).

Un point a également été fait sur l’utilisation, le fonctionnement et l’accessibilité de la plateforme « ma cantine », en insistant sur la campagne de télédéclaration des taux d’approvisionnement en produits durables et biologiques. Il est en effet indispensable de disposer d’un instrument de mesure fiable sur la progression du secteur par rapport aux objectifs fixés par le législateur en matière d’approvisionnement en produits de qualité.

De façon générale, cette instance contribue à l’amélioration de la qualité alimentaire des repas servis en confrontant en permanence la perception des acteurs de terrain aux objectifs fixés par le législateur et en signalant aux pouvoirs publics les problèmes concrets qui se posent afin de  rechercher  collectivement des solutions. En plus de ces sujets d’actualité, les membres du CNRC abordent des problématiques plus larges comme l’information du consommateur ou encore l’éducation alimentaire. Les réunions plénières servent aussi à faire le point sur l’avancée des différents groupes de travail.

Pouvez-vous nous préciser comment sont organisés ces groupes de travail (GT) ?

Pour constituer ces GT, nous réalisons des appels à candidatures auprès des membres du CNRC qui peuvent participer à tous les GT. En pratique, ce sont ceux qui ont la capacité de s’impliquer sur les sujets évoqués et d’y apporter de la valeur ajoutée  au  regard  de  leurs  fonctions qui sont les plus actifs. Au besoin, des acteurs externes au CNRC sont invités pour participer ponctuellement aux GT afin qu'ils apportent leur expertise et leur point de vue.

Les GT permettent d’investir un sujet en profondeur, de façon très concrète, en fonction des attentes, de l’actualité, ou des priorités identifiées par les membres. Ainsi, quand l’inflation est devenue un problème majeur, un groupe de travail a été constitué pour réfléchir aux solutions  spécifiques  à ce secteur.

Les GT permettent de favoriser les échanges entre pairs, de comparer informations et savoir-faire, et  de jouer une sorte d’émulation sur le thème spécifique du GT.

Ensuite, le CNRC élabore des livrables à partir de situations concrètes. Ces guides pratiques sont directement opérationnels pour les acteurs de la restauration collective. Ils mettent en valeur les bonnes pratiques mises en œuvre par des acteurs et qui pourraient utilement être généralisées sur l’ensemble du territoire national, en les adaptant si nécessaire. Ces documents sont d’autant plus utiles et opérationnels qu’ils sont issus d’une concertation avec les parties prenantes directement impliquées au quotidien par la thématique du GT.

Tous ces documents sont disponibles sur la plateforme « ma cantine ».

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de sujets traités ?

Prenons l’exemple du GT « accompagnement » qui est au cœur du CNRC. Ici, notre objectif est d’expliquer, de former, de communiquer, d’accompagner les acteurs dans la mise en œuvre des différentes dispositions prévues par la loi Egalim, complétée par la loi Climat et résilience. Ce GT vise à proposer des outils et des guides aux acteurs. Le GT « suivi » a quant à lui pour objectif de définir les modalités de suivi de la mise en œuvre des dispositions concernant les approvisionnements. Il travaille sur les  éléments qui constituent la réalisation du bilan statistique annuel prévu par la loi à transmettre au parlement le 1er janvier de chaque année (article L.230-5-1 du code rural et de la pêche maritime).

Le GT « nutrition » constitue un espace de concertation  unique,  où sont élaborés les outils d’accompagnement pour la mise en œuvre du cadre réglementaire modifié par la loi Egalim  (actualisation de l’arrêté du 30 mars 2011 encadrant la qualité nutritionnelle en  restauration scolaire), et d’autres dispositions réglementaires comme celles relatives à l’expérimentation du menu végétarien et au plan pluriannuel de diversification des sources de protéines qui vise à promouvoir les protéines végétales et tout particulièrement les légumineuses (lentilles, pois, haricots…).

Et sur les questions d’actualité comme la capacité des acteurs à surmonter les difficultés économiques liées à l’inflation ?

Un GT « économique » s’est réuni entre juin et décembre 2022. Il avait pour mission d’élaborer des outils spécifiques à destination des acheteurs de la restauration collective. Il a permis d’adapter les marchés publics face à ces hausses de prix imprévisibles et aux clauses de révision stipulées ou non dans les marchés publics. Je remercie M. Stéphane Morin, l’adjoint au directeur des achats  de  l’État du ministère  de l’Économie et des Finances, pour son implication sur ce dossier qui a permis des adaptations des contrats indispensables pour la pérennité de nombreuses entreprises.

Le CNRC a ainsi contribué activement à la rédaction des différentes circulaires du Premier ministre relatives à la prise en compte des révisions de prix des marchés publics.

Ce groupe a produit plusieurs livrables comme un référentiel des indicateurs de prix et  un guide pratique à destination des acheteurs pour les aider à adapter leurs marchés publics face à des évolutions de prix imprévisibles.

Parallèlement, des dispositifs existants ont été présentés pour aider financièrement    certains    acteurs comme la dotation exceptionnelle pour certaines communes figurant dans la Loi de Finances rectificative pour 2022, les aides à la mise en place de la tarification sociale (1 euro reste à la charge des familles) et la mise en œuvre en France  du  programme  européen « Lait et fruits à l’école ».

Autre actualité, le recrutement

et les compétences en restauration collective. Comment le CNRC soutient- il la formation et le développement des compétences pour les professionnels de la restauration collective ?

Le CNFPT est membre du CNRC. Plusieurs livrables ont été produits avec eux et sont disponibles sur la plateforme « ma cantine ». Une mise en adéquation de leurs formations est réalisée avec les livrables du CNRC et le concours du ministère de l’Agriculture.

Parallèlement, le GT « nutrition » a travaillé avec l’Éducation nationale sur des guides pédagogiques pour former les cuisiniers aux enjeux de l’alimentation durable (formation initiale et formation continue).

Maintenant, il faut faire mieux connaitre ces outils et surtout nos métiers, et la presse peut jouer  un rôle majeur en ce domaine.

À l’heure des réflexions sur la révision de l’arrêté de septembre 2011 relatif aux recommandations nutritionnelles, quelle est la position du CNRC ?

Le CNRC n’est pas une instance décisionnelle. Il a pour mission d’informer les acteurs, de recueillir leur avis et d’imaginer des solutions qui peuvent être reprises par l’État dans les  textes  réglementaires.  Le  GT « nutrition » a ainsi fait des propositions sur les recommandations nutritionnelles, en recherchant des solutions concrètes avec les acteurs, sans remettre en cause les objectifs sur les menus végétariens définis par la loi, à savoir un menu végétarien hebdomadaire obligatoire en restauration scolaire, une expérimentation de l’option végétarienne quotidienne pour les collectivités qui le souhaitent et une option végétarienne quotidienne pour les restaurants collectifs d’État, dès lors qu’ils proposent habituellement un choix multiple de menus. Ce travail se fonde sur la déclinaison des recommandations nutritionnelles issues des agences sanitaires. L’ANSES sera également saisie sur la version finale. Comme vous le voyez, ce travail est engagé avec une association étroite de l’expertise scientifique.

Comment le CNRC travaille-t-il avec les acteurs de la restauration collective pour réduire le gaspillage alimentaire dans les établissements ?

Le sujet de lutte contre le gaspillage alimentaire a été abordé avec les acteurs du groupe de travail «accompagnement ». Depuis, des outils sont mis  à  disposition  sur  la  plateforme « ma cantine » pour aider les professionnels et les collectivités à faire leur diagnostic, les campagnes de pesées, la mise en place des réservations pour les repas, la communication.

Quels sont les sujets des prochains groupes de travail ? Vos échéances ?

Avec cette nouvelle mandature, nous allons travailler avec les co-présidents des GT sur leur évolution et la mise en œuvre  de  nouveaux groupes. Ce travail va se faire au cours du premier semestre 2023 en cohérence avec le pilotage de la politique prioritaire du Gouvernement.

Comment le CNRC évalue-t-il l’impact de ses actions et de ses initiatives ?

Pour tous les membres du CNRC, je pense que le bilan est positif. Le travail au sein des GT ainsi qu’en plénière a été très productif. De nombreux livrables ont été réalisés et diffusés et les retours sont très positifs. Ces guides, boîtes à outils et documents sont construits avec les acteurs pour les acteurs de la restauration collective. Ils se présentent comme des outils pratiques qui répondent aux attentes des professionnels du secteur.

Réunis sur la plateforme « ma cantine », ils sont disponibles gratuitement et mis à jour en temps réel. Grâce à ce travail collectif et collaboratif, l’action du CNRC est très concrète et efficace pour accompagner tous les acteurs de la restauration collective. Il faut aujourd’hui les faire mieux connaître pour  qu’ils aient le plus d’impact possible.

Pour vous, quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la restauration collective en France aujourd’hui ?

Au cours des dernières années, le secteur de la restauration collective a subi des chocs importants. D’abord, en 2020 et 2021, un fort recul de l’activité causé par la crise sanitaire. Ensuite en 2022, une forte augmentation des prix alimentaires, du coût de l’énergie dans un contexte de retour de l’inflation. Le secteur a réussi à surmonter ces difficultés grâce au soutien de l’État et il a continué à travailler pour atteindre les objectifs très ambitieux et inédits de la loi Egalim, complétés par la loi Climat et résilience. À terme, l’objectif partagé est de progresser pour que la restauration collective propose des repas plus sains, plus durables et plus savoureux tout en restant accessibles aux plus modestes. Il s’agit là d’une attente sociétale forte et les acteurs de la restauration collective y sont attachés. Je leur en suis très reconnaissant et souhaite m’impliquer à la présidence du CNRC pour que nous continuions à avancer ensemble sur ces sujets pour répondre à une attente forte des Français et contribuer à la transition alimentaire et agroécologique.

Propos recueillis par Laurent Terrasson

 

 

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