Laverie, trois solutions passées au crible

Le 27/04/2023

L'utilisation de contenants réemployables impacte fortement la restauration collective. Dans le cas de la laverie, trois configurations sont envisageables. Quelques retours d'expérience, afin de nourrir votre réflexion.

La laverie mutualisée

Si l'option laverie mutualisée interpelle plusieurs acteurs, un seul projet existe à l'heure actuelle et il est porté par le Syrec (Syndicat pour la restauration collective) et le Siresco (Syndicat intercommunal pour la restauration collective), qui regroupent vingt-deux collectivités territoriales en région parisienne. Une société d’économie mixte locale (SEML) est chargée de la construction de cette laverie industrielle, de la gestion, de l’achat et de la logistique des contenants. La laverie sera en capacité de traiter 70 000 repas/jour, avec une possibilité d'atteindre 160 000 repas/jour. « Nous avons évidemment envisagé toutes les solutions avant de s'engager dans un tel projet », précise Frédéric Souchet, directeur général des services du Siresco. « La solution de construire notre propre structure s'est imposée.» Parmi les problèmes rencontrés, trouver un lieu proche des unités de production et à un prix raisonnable. Le fait de partir d'un bâtiment existant a permis d'aller plus vite. Coté recrutement, faire appel, mais pas uniquement, à des personnes en réinsertion à l'emploi, est envisagé. « La banque des territoires nous suit », poursuit Frédéric Souchet. « L'Ademe et la région Ile de France nous accordent des subventions, car le projet est viable économiquement. »

Avec d'autres grandes cuisines centrales (Sivu Bordeaux - Mérignac, les villes de Nantes, Rennes, Toulouse, etc.) le Syrec et le Syresco ont adhéré à Tremplin, le Groupement de commande pour le réemploi et l'innovation, afin d'être aidés dans leurs démarches. Jusqu'en juin 2023, des tests à grande échelle dans les cuisines et les restaurants scolaires des membres de Tremplin sont menés. Ils ont pour objectif de mieux identifier les besoins et les contraintes, de valider les prototypes proposés par les sociétés partenaires et d’avancer avec elles sur des solutions garantissant la sécurité sanitaire des repas et permettant l’automatisation et la mécanisation. « Notre réflexion porte sur de nombreux sujets, par exemple le stockage propre, afin de trouver la solution la plus pertinente. Avec le jetable, la problématique de contamination ne se posait pas », complète Nathalie Beugnot, cheffe du projet Tremplin. « Nous travaillons aussi sur la traçabilité afin d'identifier les bacs qui pourraient être contaminés et permettre une désinfection supérieure avant de les faire revenir dans le circuit. Le séchage est aussi une préoccupation. C'est tout un processus qu'il faut apprendre à maîtriser. »

Selon Tremplin, entre l’investissement, l’automatisation et le lavage, le surcoût pourrait représenter 20% du coût initial d’un couvert. 

La laverie reste en interne

L'option laverie en interne a été choisie par Angers qui a profité de la construction de sa cuisine centrale. Une structure de 3 000 m2, livrée en juillet 2022, qui produit 13 500 repas/jour pour les enfants de la crèche à l'élémentaire et des centres de loisirs. Une opération intercommunale, puisque la ville d'Angers s'est associée aux autres communes de l'agglomération pour regrouper son activité. Coût total de l'opération : 10,5 millions d'euros (hors taxe), financés notamment par la ville d'Angers à hauteur de 1,6 millions d'euros et de l'Ademe.

« Sur le terrain, cela n'a pas été une mince affaire », se souvient Sophie Savourel, directrice générale d'Angers Loire Restauration (ALREST), qui gère la restauration sous la marque Papillote et Compagnie. « La laverie est une nouvelle activité que l'on ne maîtrise pas, nous avions une plonge batterie et des barquettes. Nous avons étudié plusieurs solutions, dont celle du lavage dans les restaurants, avec une désinfection dans la cuisine centrale, mais cela s'est avéré complexe avec 120 satellites. L'externalisation et la mutualisation étaient impossibles vu notre calendrier. En conservant le lavage en interne, nous avons dû faire face à des difficultés de recrutement. Le métier est, et je le comprends, peu attractif. En entrée de tunnel, avec le système de trempage, l'organisation n'est pas ergonomique et nécessite beaucoup de manutention. La laverie est en fonctionnement 14h par jour et nécessite le travail de quatre agents. Nous sommes aujourd'hui parvenus à stabiliser les équipes. Côté tunnel de lavage, il nous a fallu du temps pour trouver le bon réglage pour les produits lessiviels, la température et le PH de l'eau. Heureusement, nous avons été accompagnés par le fabricant de la machine. Après plusieurs mois de fonctionnement, le bilan est positif, même si nous nous considérons encore en phase de réglage notamment pour l'organisation de la partie trempage. »

L’externalisation

Les interlocuteurs en mesure de proposer une solution de lavage industrialisée sont encore peu nombreux. Ils ont l'avantage de disposer d'un matériel haut de gamme et pouvant accueillir des bacs inox mais aussi des bols, des bocaux, des couverts, des gobelets, des caisses de transport, etc. « Avant de prendre une décision, les acteurs de la restauration collective doivent prendre en compte une multitude de critères », recommande François Satin, directeur commercial restauration chez Uzaje, l'une de ces entreprises disposant de deux unités (Neuilly-sur-Marne et Avignon). « Il s'agit de vérifier la place à disposition (stockage des bacs, installation de la machine, etc.), de la possibilité de recruter du personnel, de la fluctuation de l'activité, de l'achat de bacs supplémentaires, de la flotte de véhicules, etc. Pour accompagner les acteurs de la restauration à réussir cette transition, nous avons fait développer un outil de simulation qui prend en compte entre 75% et 80% des paramètres identifiés. Nous ne sommes pas dogmatiques. Un tel projet doit avoir du sens et n'est pas adapté à tous les acteurs. »

Selon Emmanuel Auberger, fondateur et président d’Uzaje, « Pour ce qui est du prix, dans un lavage externalisé, le lavage du bac inox se situe autour de 0,15 €/repas et fluctue de + ou -50%, notamment selon le type de bacs-couvercles utilisés et les modalités du retour (rincé ou non). »

Et pour conclure ?

Frédéric Souchet, DGS du Siresco :

« Tout doit être prêt dans 22 mois alors que beaucoup de confrères s'interrogent encore, voire pensent qu'ils pourront encore longtemps travailler avec l'usage unique. Il est illusoire de croire que la mise en place de cette transition ne coûte pas cher, mais malgré les difficultés, c'est passionnant de travailler sur un tel projet, un projet du futur. »

Nathalie Beugnot, cheffe du groupement Tremplin :

« Il faut penser à tout et c'est extrêmement compliqué. Cette démarche, doit être intégrée, comme l'est un plan de maîtrise sanitaire, une démarche HACCP, avant même de se pencher sur le matériel. »

Sophie Savourel, directrice générale d'Angers Loire Restauration :

« Si nous avions été alertés plus tôt, il est certain que nous aurions anticipé. Nous avons cru que ça allait être facile et cela n'a pas été le cas. »

François Satin, directeur commercial restauration chez Uzaje :

« 2025 c'est demain, il est essentiel d'aller plus vite. Des acteurs n'ont pas encore choisi leur solution. Ils peuvent et doivent se faire aider. »

 

De l'importance du matériel

Avec le réemploi, les configurations de lavage ne sont plus les mêmes. Les marques doivent s'adapter. Certaines ont anticipé. « Le réemploi n'a pas été un bouleversement pour notre entreprise », note Sabine Betirac, chef de marché chez Meiko. « Rien de neuf pour le bac inox en lui-même, mais dans le cadre du réemploi il faut que celui-ci soit étanche et là c'est plus complexe, car il y a un joint et des rebords. À notre gamme de matériel classique nous avons intégré une ligne de lavage dédiée au réemploi. Une zone d'égouttage des contenants a été intégrée, sans que cela ne fragilise ni les contenants ni la ligne de lavage. Ensuite la zone de séchage est plus puissante que pour un matériel « classique » avec une légère augmentation des points de chauffe. Que la remise en production se fasse dans la journée ou après plusieurs jours, les contenants doivent sortir sans aucune souillure. Ils doivent repartir comme neufs. »

La volumétrie est un autre critère important, la solution n'est pas la même pour le lavage de 4 000 bacs ou 8 000 bacs en 7h. « Être innovant nous a notamment permis de concevoir une machine qui combine des innovations clés, permettant de proposer une prestation de lavage performante pour des gros volumes de vaisselle en verre, des bacs en inox et des gobelets en plastique, tout en ayant un impact environnemental minimisé : gestion intelligente de l’air et des températures de séchage, technique de filtration, tunnel à faibles consommations énergétiques (électricité, eau, produits lessiviels) grâce à un process de récupération et de réutilisation d'énergie. Les fabricants des contenants réemployables sont aussi en ordre de marche, pour aider la restauration collective à réussir sa transition. »

Hélène Dorey

 

L'autre cuisine