Au cœur des débats, un service public mal identifié

Le 25/06/2021

La diversité de la restauration collective est un objet encore non-identifié par les pouvoirs publics, ou plutôt mal identifié. Pour preuve, la dernière étude de l’Insee sur la restauration collective (février 2021).

Dans le droit français, le périmètre de la restauration collective se réduit à sa plus simple expression. Elle est régie seulement par l’Arrêté du 21 décembre 2009, relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d’entreposage et de transport de produits d’origine animale et denrées alimentaires en contenant.

Depuis les États généraux de l’alimentation (EGA) initiés en 2017 par le président Emmanuel Macron, le rôle de la restauration collective a été souligné et sa mission accentuée. Si l’objectif premier de ces EGA était la rétribution juste des agriculteurs et l’assurance d’une alimentation saine, durable et accessible à tous, le rôle de la restauration collective s’est imposé à une majorité d’acteurs de la chaîne alimentaire participant aux travaux. Pour preuve, plusieurs ateliers ont ainsi souligné l’action centrale de ce service public : atelier 1 (éducation alimentaire), ateliers 3 et 5 (filières agricoles), atelier 3 (gaspillage), atelier 12 (lutte contre les inégalités). L’atelier 9, présidé par Dominique Voynet, va même rapidement mettre en place un groupe de travail spécifique sur cette thématique de la restauration collective, l’identifiant comme « un levier majeur d’une alimentation favorable à la santé permettant (...) de sensibiliser les convives aux fondamentaux d’une alimentation saine ».

Nul doute, les États généraux de l’alimentation ont bien mis en lumière le secteur de la restauration collective. Ces événements ont permis de mettre en place une véritable politique pour ce secteur, et « qui dit mise en place d’une politique, dit connaissance du terrain et des acteurs » souligne le sous-directeur de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques à la Direction générale de l’alimentation, Cédric Prévost (voir L’Autre Cuisine no 7).

La loi EGAlim entérinera ces requêtes et cette volonté en évoquant dès le chapitre Ier la nécessité de l’accès à une alimentation saine, et la qualité des repas servis dans les restaurants collectifs. 

Pourtant, encore en 2021, cette volonté politique pèche par une méconnaissance de ce secteur de la restauration collective en France par les institutions. L’Insee, l’Institut national des statistiques et des études économiques, qui fait paraître des études sur ce secteur, limite sa lecture “aux activités marchandes”, exprimant ainsi une analyse réduite à moins de la moitié de ce que représenterait l’ensemble de ce service public (40 % contre 60 % pour la gestion publique, selon les chiffres de l’association Restau’Co). L’étude de l’Insee de février 2021 nous apprend qu’en 2019, « le secteur de la restauration collective concédée génère 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 14 % du chiffre d’affaires de la restauration » ; « Trois groupes multinationaux dominent ce marché (70 % des ventes), mais leur part est en recul depuis 2010 (- 12 points) » ; « Le secteur emploie 110 000 salariés en équivalent temps plein (+ 1 % par an depuis 2010). Ces salariés sont majoritairement peu qualifiés et souvent à temps partiel » ce qui signifie que « 200 000 personnes travaillent dans la restauration collective concédée ». Au regard de leur performance de gestion économique comparée aux secteurs publics et de leur parts de marché (40 %), nous pourrions alors estimer les emplois du secteur de la restauration collective supérieurs à 400 000 personnes.

À la vue de ce type de données, n’y a-t-il pas urgence en la demeure ? Cette méconnaissance de ce service public fragilise l’action de la restauration collective dans son ensemble, ses performances et sa prestation. Son organisation étant atomisée et déstructurée, il est aisé
de la dénigrer ou de la rendre responsable, d’en faire le bouc-émissaire de la malbouffe ou encore la cause d’une mauvaise éducation alimentaire, au risque de détruire sa fonction première, une restauration sociale et accessible à tous.

Au coeur des débats, des politiques alimentaires, des projets alimentaires territoriaux, n’est-ce pas venu le temps pour la restauration collective de nourrir de sa fonction tout le service public, de l’hôpital aux étudiants, des enfants aux seniors, des salariés aux précaires ?

Laurent Terrasson