Réduire l’empreinte carbone dans la restauration collective

Le 12/04/2022

Panneaux solaires sur les toits, matériaux biosourcés, équipements de cuisine high-tech, systèmes de chauffage au biogaz ou encore valorisation des déchets... L’innovation et la créativité s’invitent dans nos écoles pour une restauration collective éco-responsable. Un changement de paradigme indispensable pour faire face aux enjeux climatiques.

Depuis quelques années, les équipes de cuisine en restauration collective prennent à bras le corps la question d’une alimentation plus vertueuse en ayant recours au bio, aux circuits courts et en limitant l’usage d’aliments transformés. Elles réfléchissent aussi à la réduction du gaspillage alimentaire et au tri des déchets. Pour autant, leurs efforts sont conditionnés à la qualité de leurs équipements et à la volonté des décideurs de s’investir dans une vision plus globale qui intègre toutes les parties prenantes dans une démarche de transition écologique. Des bureaux d’étude aux architectes, en passant par les équipementiers, tels les cuisinistes, les entreprises du BTP ou les fournisseurs d’énergie… un maillage intelligent de tous les corps de métiers s’impose pour garantir des constructions ou des rénovations d’équipements de restauration collective “nouvelle génération”.

Des équipements labellisés “Bâtiments durables franciliens”

L’association Ekopolis, pôle de ressources francilien pour l’aménagement et la construction durable, est fortement impliquée dans l’accompagnement des acteurs publics ou privés dans la construction ou la rénovation d’équipements durables. Sa philosophie : accompagner toutes les parties prenantes dans la réalisation d’équipements durables. « On s’adresse tout autant aux maîtres d’ouvrage, c’est-à-dire les collectivités territoriales ou les promoteurs, qu’aux acteurs de la maîtrise d’oeuvre, tels les architectes et bureaux d’études. Notre objectif est de faire monter en compétences, d’accompagner un projet global dans des pratiques favorisant le développement durable, explique Laurent Perez, directeur d’Ekopolis. Nous agissons dans une démarche d’intérêt général grâce à des financements publics comme l’Ademe, des subventions de l’État ou la métropole du Grand Paris ».

La démarche d’Ekopolis part de la nécessité d’informer et former les porteurs de projets sur la législation, donner des recommandations sur les matériaux biosourcés, appréhender les atouts de l‘économie circulaire, la gestion des eaux pluviales mais aussi présenter des retours d’expériences avec des opérations remarquables. « Notre devise : c’est possible, puisque d’autres l’ont déjà fait », souligne Laurent Perez. Le but étant d’aller vers des pratiques toujours plus écoresponsables comme l’utilisation de matériaux biosourcés.

Enfin, l’accompagnement des opérations de la conception à l’utilisation (jusqu’à deux ans après la livraison) garantit un suivi entre 6 et 8 ans, permettant à toutes les étapes d’une réalisation d’évaluer les avancées et les freins. « Tout au long du projet, nous sommes présents. Nous formulons des recommandations dans le choix du bureau d’étude, de l’architecte, comment choisir les entreprises du BTP, puis des exploitants. Nous aiguillons sur les décisions à prendre pour la gestion de l’eau, les déchets, l’énergie, le confort, poursuit le directeur d’Ekopolis. Nous adoptons une démarche pédagogique qui vise à se poser les bonnes questions en amont. Quelles solutions pour un bâtiment à faible consommation énergétique ? Quels matériaux issus de l’économie circulaire utiliser ? Quel éclairage sera le plus adapté aux utilisateurs ? Comment organiser le tri des déchets sur place ? »

Ces savoir-faire, niveau d’expertise et méthodologie représentent une plus-value précieuse, notamment pour les petites communes qui n’ont pas les services adéquats. Cela a aidé la ville d’Ollainville, dans l’Essonne, à construire une nouvelle cuisine centrale dans une démarche environnementale qui la positionne aujourd’hui comme étant la seule commune du département à posséder le label BDF (Bâtiments durables franciliens). Tout un symbole !

Une cuisine centrale avec des panneaux photovoltaïques

Ainsi, la nouvelle cuisine centrale d’Ollainville ouvrira ses portes à la rentrée des classes 2022. Elle réalisera 600 repas par jour dédiés aux quatre écoles et dans le cadre du portage de repas à domicile pour des personnes âgées. Mais à l’horizon 2030, 850 repas seront confectionnés car la commune envisage la construction d’une cinquième école.

À l’initiative de ce projet ambitieux, une équipe municipale impliquée dans la transition écologique. Son maire, Jean-Michel Giraudeau, est particulièrement fier de cet ouvrage. En effet, au-delà de ses fonctions de premier magistrat, le maire a une carrière professionnelle dans la restauration. « J’ai une formation de cuisinier, puis je me suis spécialisé comme pâtissier et chocolatier. J’ai enseigné ces deux spécialités pendant 40 ans », explique-t-il. Un homme du métier à la tête d’un projet de construction d’une cuisine centrale, une véritable aubaine pour la commune. « Nous travaillons en liaison chaude. On confectionne de vrais repas, mijotés par nos cuisiniers. En partant de cet objectif, nous avons toujours mis les moyens pour un service de restauration scolaire de qualité très apprécié par les familles et les enfants », poursuit l’élu.

Pour son nouvel équipement, la ville a répondu à un appel à projets chez Ekolopolis afin de bénéficier d’un accompagnement mais aussi obtenir des subventions supplémentaires, notamment du Conseil départemental de l’Essonne. « On a réalisé tout un travail avec Ekopolis pour obtenir une labellisation BDF. Aujourd’hui, nous avons le niveau bronze mais j’espère le faire progresser vers l’argent. Cette marge de progression sera possible car un bilan sera réalisé après deux ans d’exploitation et nous apporterons des modifications en fonction des usages », précise l’édile.

Concrètement, le toit de la cuisine équipé de panneaux photovoltaïques permettra de fournir 30 % des besoins énergétiques. Des briquettes de récupérations ont été privilégiées dans la construction du bâtiment. « Nous préférons l’énergie solaire plutôt que le nucléaire ou le fossile, explique Jean-Michel Giraudeau. Avec des énergies renouvelées et l’apport du solaire, la récupération de la chaleur produite va nous permettre de nous autoalimenter. C’est un investissement qui coûte cher mais je suis convaincu que le jeu en vaut la chandelle. Par exemple, toutes les énergies produites par les chambres froides, les congélateurs et fourneaux seront réutilisées. Pour les équipements, on va faire de la cuisson en induction, avec du matériel de haute technologie. Les postes de cuisson auront un plafond filtrant permettant de récupérer l’énergie et de faire des économies. Tous les déchets seront traités sur site, via du compost pour être recyclé. »

Le développement durable dans les communes

L’expérience d’Ollainville n’est pas unique. Les collectivités territoriales s’impliquent de plus en plus pour que leurs équipements dédiés à la restauration collective soient plus vertueux.

Depuis 2019, la ville de Gardanne dans les Bouches-du-Rhône s’est dotée d’une cuisine centrale qui produit partiellement son électricité grâce à des panneaux solaires. À Plévin, dans les Côtes d’Armor, la cuisine centrale est également équipée de panneaux photovoltaïques et le surplus de production permet même d’alimenter les écoles de proximité. À Lille, la cuisine centrale a été conçue dans une démarche d’écoconception s’inscrivant dans une politique de développement durable, avec une démarche Haute qualité environnementale (HQE) qui comprend notamment de s’engager vers de meilleures performances énergétiques. Par exemple, sa toiture végétalisée et un bassin paysager favorisent l’infiltration des eaux pluviales. À Loos, dans le Nord de la France, les élèves des écoles Anatole France et Curie-Michelet fréquentent un nouveau restaurant scolaire à la pointe du progrès, L’Abeille gourmande. Cet équipement nouvelle génération a été labellisé “Passiv’Haus” pour sa performance énergétique. Ce concept issu de nos voisins allemands a pour objectif de se passer du chauffage conventionnel. Son isolation, son étanchéité et son système de ventilation permettent de maintenir les locaux au chaud l’hiver et de rester au frais l’été.

Le biométhane, une solution efficace

Le biométhane est une énergie renouvelable en plein essor. Ses atouts sont multiples pour réduire l’impact carbone. Tout comme le gaz naturel, il a les mêmes usages, et permet de chauffer et de cuisiner. « Le gaz vert ou biométhane, est produit localement à partir des déchets de résidus agricoles et d’effluents d’élevage et est 100 % renouvelable, explique Adeline Lecomte, responsable national marché tertiaire à la direction du développement de GRDF. On récupère les déchets qui se décomposent pour en faire du gaz. C’est ce que nous appelons la méthanisation qui, à l’image d’un compost, produit du gaz que l’on épure pour le réinjecter dans le réseau. Ce gaz vert est une vraie opportunité qui fait sens pour les collectivités car tout en répondant aux réglementations, il permet une consommation plus écologique et locale. »

Pour les éléments de cuissons, bien que l’électrique se taille la part du lion, le gaz a aussi ses atouts que de nombreux professionnels apprécient. « Les équipements de cuissons au gaz naturel sont fiables, durables et permettent une grande précision de cuisson grâce à une rapide montée en température. Pour les cuisiniers, cela permet d’optimiser et de mieux contrôler la précision de la cuisson des aliments, poursuit Adeline Lecomte. De plus, le coût d’investissement initial des équipements de cuisson au gaz naturel est équivalent à ceux fonctionnant avec d’autres énergies. Le faible coût d’exploitation tout en ayant une longue durée de vie est aussi un avantage. Le gaz naturel permet une saisie immédiate des produits. La puissance du feu associée à l’inertie des plaques offre une grande rapidité de cuisson. Ainsi la cuisson au gaz attire de grands chefs étoilés tout autant que des cuisiniers de la restauration collective. »

Mais la vie d’un restaurant collectif ne se limite pas à ce qui se passe dans les fourneaux. Il faut réfléchir aux équipements dans leur ensemble.

« Les écoles, les crèches, les hôpitaux ont des besoins importants de chauffage et d’eau chaude. Les solutions gaz sont robustes, éprouvées et compétitives : elles permettent un chauffage homogène et une montée en température rapide pour avoir de l’eau chaude immédiatement. Beaucoup d’établissements sont équipées de chaudières à condensation ou des pompes à chaleur à absorption notamment géothermiques, explique notre spécialiste chez GRDF. Dans ce cas, on va chercher l’énergie gratuite présente dans le sol ou dans une nappe phréatique, qui est une source d’énergie renouvelable. Pour les clients, il est aussi possible de choisir le biométhane, ce qui s’inscrit pleinement dans une logique d’économie circulaire, puisque le gaz est produit à partir des propres déchets du territoire. Nous accompagnons aussi les collectivités dans le remplacement de leur parc de chaudière au fuel par du gaz. L’avantage de cette conversion est de pouvoir conserver les équipements intérieurs : les coûts sont raisonnables et il y a peu d’entretien. Il existe aussi des solutions hybrides qui couplent le gaz et le solaire. »

À Saint-Jean, en Haute-Garonne, 2 000 repas par jour sont confectionnés pour les crèches et les restaurants scolaires. La nouvelle cuisine centrale, réalisée par API Restauration, a fait le choix du gaz naturel pour la cuisson, la production d’eau chaude sanitaire et pour le chauffage de ses locaux. La production d’eau chaude sanitaire dédiée à la vaisselle et au nettoyage des équipements de cuissons est assurée par un chauffe-eau à condensation alimenté au gaz naturel et le chauffage des locaux est réalisé grâce une chaudière à condensation.

Des équipements résolument tournés vers un avenir écoresponsable

L’entreprise Meiko, connue pour ses solutions de lavage et de traitement des biodéchets, a un fort attachement à la RSE (Responsabilité sociale et environnementale). Pour équiper les cuisines des collectivités en machines à laver, cet équipementier est à la pointe de l’innovation et développe des solutions ergonomiques et économes en énergies. Au coeur des enjeux environnementaux, il développe des équipements fabriqués à partir de matériaux nobles et durables tel que l’acier inoxydable et intègre des dispositifs permettant des économies d’eau et d’électricité.

Par exemple, « le modèle actuel de convoyeur M-iQ enregistre une baisse de la consommation d’eau de 41 %, une économie d’énergie de 33 % et des coûts d’exploitation diminués de 32 % par rapport au modèle précédent. Les calories que génèrent nos lave-vaisselle sont naturellement conservées grâce à la double isolation des parois. Pour aller plus loin, le condenseur récupérateur de buées, de série, réutilise ces calories pour préchauffer l’eau froide de remplissage », explique Audrey Vergély, responsable marketing et communication chez Meiko.

Aussi, ce fabricant conçoit des produits lessiviels plus concentrés, sans phosphate, ni NTA (acide nitrilotriacétique) permettant un dosage plus mesuré que les produits lessiviels classiques, pour un résultat impeccable. La composition non nocive des produits permet leur recyclage.

« Dans la construction de chacun des projets, nous sommes dans une réflexion d’optimisation des coûts de fonctionnement, d’amélioration des conditions de travail et à la recherche des meilleures performances d’hygiène et de sécurité alimentaire. Lorsqu’une collectivité nous sollicite, nous répondons avec une solution qui prend en compte chaque problématique. Il faut aborder tous les aspects techniques, liés à l’organisation et à la logistique, la sécurité et le confort des agents utilisateurs, par exemple, pour éviter les troubles musculo-squelettiques (TMS). Chaque projet est complexe et demande du sur-mesure. »

Pour aller encore plus loin, Meiko propose des solutions pour la collecte des déchets alimentaires, qui, s’inscrivant dans une démarche environnementale légale (loi Climat et résilience et loi de transition énergétique) doivent être triés par les professionnels de la restauration. Cette transition demande un investissement des collectivités dont découle une étude complexe d’aménagement des locaux existants et d’organisation logistique.

Parmi les dernières réalisations sur mesure, l’installation d’une laverie dans un lycée hôtelier avec un système comprenant un collecteur de déchets alimentaires, un broyeur et une cuve de stockage. « C’est la première cuve enterrée en France - ce qui représente un gain de place important et des économies d’intégration. De plus, au lieu d’avoir trois levées de conteneur de biodéchets par semaine, sans aucune revalorisation et avec beaucoup de manipulations contraignantes, cette solution permet de limiter drastiquement le nombre et les coûts des collectes. Un camion de pompage passe environ tous les deux mois et les biodéchets sont amenés en usine de méthanisation pour être valorisés en énergie. »

Autant de démarches qui servent le cercle vertueux de l’économie circulaire, avec pour objectif de réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre des structures de restauration collective.

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VOUS AVEZ DIT LOW-TECH ?

Les low-technologies – par opposition aux high-technologies – sont des systèmes simples, durables et peu coûteux. Leur impact sur l’environnement est faible car elles privilégient des matériaux de récupération et des fonctionnements peu énergivores. En clair, il s’agit de construire des équipements robustes, réparables et recyclables pour que l’impact écologique et social soit optimal, tels l’utilisation de matériaux biosourcés ou peu transformés comme le bois, la paille et l’argile. La conception bioclimatique repose sur des éléments qui permettent au bâtiment de tirer parti des ressources de son environnement. Ainsi, l’orientation de l’équipement permet d’exploiter l’énergie et la lumière du soleil, le choix du terrain doit prendre en compte des paramètres comme le climat, la topographie, les zones de bruit et les ressources naturelles. Enfin, la construction utilise, autant que possible, des matériaux de récupération, valorise les surfaces vitrées et les protections solaires. La végétalisation des toitures ou des murs permet, par exemple, d’apporter de la fraîcheur au bâtiment. De même, les protections solaires extérieures empêchent le rayonnement solaire de pénétrer à l’intérieur des locaux.

NE PLUS JETER SANS TRIER

Selon l’Ademe, les biodéchets représentent 80 % de l’industrie agroalimentaire, 60 % des déchets de la grande distribution alimentaire ou encore 55 % des déchets issus de la restauration collective. Un repas consommé en restauration collective génère en moyenne 450 g de déchets, dont 200 g sont biodégradables.

3 types de biodéchets sont identifiés dans le secteur de la restauration :

- Les biodéchets liquides : huiles alimentaires usagées et déchets graisseux, dont les eaux de cuisine

- Les biodéchets à base de sous-produits animaux : repas non consommés ; fractions de viandes crues, poissons et liquides, déchets d’abattoirs

- Les biodéchets conditionnés dans leurs emballages (aliments sous emballage plastiques)

Depuis 2016, les professionnels qui génèrent plus de 10 tonnes de biodéchets par an sont soumis à une obligation de tri afin de les valoriser par compostage ou méthanisation. À compter du 1er janvier 2024, en application de la loi Anti gaspillage et économie circulaire, la généralisation du tri à la source s’imposera à l’ensemble des producteurs de déchets en France, du particulier aux entreprises en passant par les collectivités.

 

Carmen Rubia