De l’aliment à la terre

Le 08/07/2022

Produisant plus de dix tonnes de déchets alimentaires par an, la cuisine centrale de l’hôpital de Nontron, en Dordogne, a fait le choix d’une plateforme de compostage sur son site. Avec ses équipes, le responsable de la cuisine s’est investi dans une démarche vertueuse à plusieurs égards.

Le point de départ, une obligation légale

Cuisiner près de 300 000 repas chaque année, c’est générer beaucoup de biodéchets. Engagée dans Mon restau responsable depuis 2017, la cuisine centrale du centre hospitalier de Nontron (sous-préfecture du département de la Dordogne) se devait d’apporter des améliorations en matière d’économies d’énergie et de réduction du gaspillage alimentaire, mais aussi de traitement des restes alimentaires, car en produisant plus de 10 tonnes de biodéchets par an, il y avait là une obligation de trouver le moyen de les traiter.

Plusieurs options sont alors examinées. Celle du recours à une entreprise extérieure a été reléguée du fait du coût, même chose pour la méthanisation, faute de structures locales. La cuisine a donc opté pour un traitement par compostage sur site inauguré en 2019. La commune prête le terrain à côté de la cuisine, le conseil départemental apporte le broyat de bois issu de l’entretien des bords de routes et un prestataire extérieur vient retourner la matière. À la manoeuvre, Pascal Chamouleau, responsable de la cuisine et initiateur de ces évolutions, des expérimentations et, plus généralement, de toutes les démarches de progrès.

Une démarche globale

Outre l’hôpital de Nontron dont elle dépend, la cuisine alimente deux Ehpad, un institut médico-éducatif, une école, des centres de loisirs et le portage de repas à domicile. En comptant tous les sites d’apport de matière, le composteur doit ainsi traiter à peu près 23 tonnes chaque année.

Pour Pascal Chamouleau, bien traiter ses biodéchets est une démarche globale : « En amont du tri et de la valorisation, nous travaillons sur une gestion des cycles de menus pour affiner et aller au plus près des besoins, ce qui nous évite de préparer trop de produits et permet de réduire le gaspillage alimentaire en grosse partie ». Bien gérer ses déchets alimentaires, c’est d’abord en produire le moins possible. Tri des restes issus de la préparation et de l’épluchage de légumes de la cuisine, puis tri des restes de repas dans la salle à manger, tous les biodéchets sont ensuite entreposés dans des poches vertes.

« Les seaux ne conviennent pas, reprend Pascal Chamouleau, car nous préparons des repas sept jours sur sept, matin, midi et soir. Le dernier apport au compost étant fait le vendredi après-midi, les restes alimentaires de tout le week-end auraient dus être conservés jusqu’au lundi après-midi ». Soit 80 seaux à laver et désinfecter avant qu’ils ne reviennent dans les services. Les services techniques de l’hôpital s’occupent de la matière stockée dans un local poubelles réfrigéré de l’hôpital et l’apportent deux ou trois fois par semaine sur le site de compostage.

Sur place, un local avec une balance permet de peser la matière, un registre est rempli pour chaque structure sur les quantités apportées, aussi bien pour les restes alimentaires que pour le broyat de bois indispensable pour composter. « Nous verrons au fur et à mesure ce qu’on peut améliorer », prévoit Pascal Chamouleau.

Un compost réutilisé

Chaque année, 50 m3 de compost peuvent être utilisés par les sites qui apportent de la matière et par le conseil départemental, apporteur de broyat de bois. « C’est une grosse quantité de compost, j’ai donc créé un jardin intergénérationnel, à côté de la plateforme de compostage, où nous avons réalisé des aménagements pour les résidents des Ehpad et les enfants des écoles qui viennent planter, entretenir les jardins, récolter les légumes qui servent pour leurs ateliers cuisine, tandis que les fleurs servent à embellir la salle à manger. C’est vivant », se réjouit-il.

Pas de salarié sur le site de compostage, après plusieurs formations, Pascal Chamouleau s’en occupe seul. Pour que la cuisine ne soit pas associée à une déchetterie, mais à un site de valorisation des déchets alimentaires, il l’a appelé la “plateforme de compostage aliments-terre” : « La matière faite de déchets alimentaires retourne à la terre et reproduit des légumes dans le jardin selon un cercle vertueux ».

Nadine Herman-Bancaud, maire de Nontron, soutient la démarche et en nourrit d’ailleurs une certaine fierté : « Les territoires de la commune font l’objet d’une innovation allant dans le sens de la transition écologique au sein de laquelle l’intergénérationnel a toute sa place. Le sujet de la réduction des déchets de la restauration collective s’intègre parfaitement aujourd’hui dans les options prises par la municipalité autour de la transition écologique ».

De l'obligation à l'engagement

Au début de l’aventure, c’est l’obligation réglementaire qui a fait réfléchir. Il fallait trouver des solutions. De l’avis général, Pascal Chamouleau s’y est investi corps et âme. Aujourd’hui, il s’efforce de valoriser la démarche et le personnel, y compris dans sa propre structure.

En 2017 déjà, son site était le deuxième de France à s’engager dans Mon restau responsable : « Je l’ai fait pour valoriser les cuisines de collectivité, parce que si nous ne faisons rien, si nous ne disons rien, nous garderons toujours cette image d’une restauration collective où nous ouvrons des boîtes et ne préparons rien de bon. Je ne suis pas d’accord, nous faisons les choses bien ». Et de raconter qu’avec ses équipes, ils ont toujours fonctionné en démarrant dès qu’il y avait une nouvelle loi, sans attendre, en s’engageant directement en quête de bonnes informations et de conseils adaptés, comme avec la loi Egalim. Mais s’efforcer de faire au mieux a un coût et du point de vue des directions d’établissements, l’aspect financier conditionne la démarche.

Une démarche qui inspire

Pour Mon restau responsable, Pascal Chamouleau a fait réduire les dépenses énergétiques de la cuisine et de la lingerie en remplaçant les néons par des Led, calculant la consommation de chaque type d’éclairage et le coût de l’investissement. Résultat : 2 800 euros d’économies chaque année. Sur l’enfouissement des ordures, même principe. La tonne coûte 210 €. Or le compostage des biodéchets permet de soustraire une vingtaine de tonnes. Pour Pascal Chamouleau, « quand nous nous engageons dans une telle démarche, avec des projections chiffrées, étayées et générant des économies, nos directions écoutent et sont plus attentives à ce que nous voulons faire ».

À tel point qu’aujourd’hui, d’autres établissements le sollicitent pour obtenir des conseils. Aussi, en plus de la cuisine, du compost et du jardin, il veut constituer un site de démonstration avec plusieurs techniques de compostage. En marge du compostage en andain, il prévoit de construire un pavillon de compostage, des composteurs individuels, des volailles et un lombri-compostage avec des panneaux d’information sur chaque technique. « Dès qu’on sera sollicités, je pourrai apporter une expertise précise selon le nombre de tonnes ou de kilos de matière à traiter, montrer ce qui serait le plus adapté à chaque demande et dispenser des formations et de l’assistance ».

Le but, c’est clairement d’essaimer, mais aussi de gagner un peu d’argent pour faire vivre le jardin et prolonger cette démarche vertueuse, peut-être sous forme de nouvelles expérimentations.

C.J.