Brèves

05 Déc

Portée par des préoccupations environnementales et la quête d'une alimentation de qualité, l'aspiration au local s'impose, mais face aux enjeux de souveraineté alimentaire, une question persiste : vision d’avenir ou utopie ?

Le cadre législatif actuel offre une réponse mitigée. La loi Egalim, bien que tournée vers la durabilité et la qualité alimentaire, ne met pas en avant les produits locaux. Ces derniers ne répondent aux critères de la loi que s’ils disposent de labels tels qu’AOC ou Label Rouge. Pourtant, des initiatives comme le Programme national pour l’alimentation (PNA) et des outils pratiques comme Localim encouragent les collectivités à favoriser l’ancrage territorial. L’orientation est claire : intégrer davantage de produits locaux dans la restauration collective est non seulement bénéfique pour l’environnement, mais également essentiel pour soutenir l’agriculture régionale et préserver les savoir-faire locaux.

Pour les consommateurs, l’approvisionnement local incarne une promesse : celle d’une nourriture plus fraîche, plus savoureuse, et surtout en phase avec les saisons. Ces avantages sont renforcés par des bénéfices environnementaux évidents, comme la réduction des distances parcourues par les aliments, et donc de leur empreinte carbone. Sur le plan économique, soutenir les circuits courts contribue à dynamiser les territoires, en créant des emplois et en maintenant l’activité agricole. En restauration scolaire, la demande parentale est sans équivoque : près de 90% des parents souhaitent voir davantage de produits biologiques et locaux dans les menus de leurs enfants.

Cependant, la mise en œuvre de cette ambition se heurte à des obstacles majeurs. Tout d’abord, il faut assurer un approvisionnement régulier en dépit des aléas climatiques qui affectent les productions, de la petite taille des exploitations locales qui n’ont pas toujours la capacité à fournir les volumes nécessaires aux cuisines collectives, ou encore des contraintes logistiques, telles que la disponibilité des produits et l’organisation des livraisons.

Ensuite, le coût : les économies d’échelle limitées rendent les produits locaux parfois plus chers. Pour répondre aux besoins des cuisines centrales, il est nécessaire de massifier les volumes, ce qui pose des problèmes d’harmonisation, notamment en ce qui concerne les formats, les calibres, le degré de maturité ou encore les conditions de transformation.

Enfin, l’adaptation des infrastructures des exploitations locales est un enjeu majeur. Les petites structures doivent non seulement augmenter leur capacité de production pour répondre aux volumes demandés, mais aussi se conformer à des normes sanitaires et logistiques strictes, ce qui exige des investissements souvent hors de portée pour de nombreux producteurs.

Ces défis soulignent la nécessité d’un accompagnement des acteurs locaux, avec des politiques publiques favorisant la mise en réseau, le financement des infrastructures et une planification collective pour concilier qualité, durabilité et accessibilité.

Les services de restauration collective1 sont, heureusement, présents sur l’ensemble du territoire national et servent à juste titre toutes les cantines, y compris en milieu rural. Mais à quel prix et sous quelles conditions ? Un défi pour les collectivités dont les budgets sont restreints. Enfin, la complexité administrative des appels d’offres publics peut freiner l’accès des petits producteurs à ces marchés. Tous ces obstacles rendent la transition vers le local difficile, mais pas impossible.

Certaines collectivités ne se contentent plus de subir les contraintes mentionnées : elles interviennent directement dans la structuration des filières agricoles, de la production à la transformation, par exemple à Dijon, en Île-de-France, à Mouans-Sartoux, en Vendée... Ces initiatives marquent une rupture : les collectivités s’impliquent désormais non seulement comme acheteurs, mais aussi comme acteurs stratégiques de l’alimentation.

Pour autant, cette implication soulève des questions. En reprenant le contrôle de la chaîne d’approvisionnement - de l’achat ou de la mise en location de terres agricoles à la distribution des produits -, les collectivités risquent de créer une dépendance économique pour les producteurs locaux. Parallèlement, une intervention publique trop forte pourrait freiner l’innovation privée et déstabiliser l’équilibre des marchés.

Si l’objectif est de garantir une alimentation locale et durable, les collectivités doivent de manière suffisante démontrer que l’offre privée ne peut pas y répondre. Privilégier les approvisionnements locaux n’est pas une solution universelle, mais une stratégie à fort potentiel, à condition que les politiques publiques soient adaptées et que tous les acteurs soient impliqués.

La restauration collective a un rôle à jouer dans la transition vers une alimentation responsable et durable, mais pour que cette ambition devienne réalité, il faudra trouver un équilibre entre innovation publique et partenariats privés, toujours au service des territoires et de leurs habitants.

*Près de 92 000 sites de restauration collective en France, lieux de consommation (cuisines sur place + offices satellites) – près de 52 000 sites de production de repas – près de 36 000 autorités organisatrices des services de restauration collective – chiffres Cantines responsables – www.cantinesresponsables.org

27 Juin

Une enquête réalisée par l'Association des maires de France (AMF) auprès de 2 457 communes et 175 EPCI compétents en matière de restauration scolaire a révélé que seulement 18% de cet échantillon de communes respectent les seuils de la loi Egalim.

Cette étude, bien que limitée à une petite partie des communes françaises, met en lumière les difficultés rencontrées par les collectivités locales pour mettre en œuvre les objectifs de la loi Egalim de 2018, complétée par la loi Climat de 2021, qui fixe l'objectif d'offrir au moins 50% de produits dits "durables" et "de qualité" en valeur d'achat dans les cantines, dont au moins 20% de produits biologiques.

Parmi les raisons invoquées pour expliquer ce retard, 40% des répondants citent des difficultés plus fortes pour s'approvisionner, notamment en raison de la hausse des prix, de l'insuffisance de diversité ou de quantité dans l'offre, ainsi que des contraintes logistiques.

Le coût moyen d'un repas à la charge des communes est passé en trois ans de 7,63 euros à 8,49 euros, conduisant 63% d'entre elles à augmenter leurs tarifs. La hausse reste toutefois "majoritairement inférieure à 10%" avec un tarif demandé aux familles généralement compris "entre 1 et 5 euros".

En revanche, 90% des communes proposent un choix de menu végétarien comme l'impose la loi Climat. Sur le front de la lutte contre l'utilisation du plastique, 62% des communes n'utilisent pas de contenant plastique pour la cuisson et la réchauffe, ce qui deviendra obligatoire à partir de 2025, tandis que 72% ont mis en place un diagnostic de lutte contre le gaspillage.

Au total, 48% des communes choisissent la gestion directe pour leurs cantines scolaires. 82% des élèves scolarisés dans les écoles publiques fréquentent la cantine.

Face à ces constats, l'AMF réclame la possibilité d'introduire des critères de proximité géographique dans la commande publique, ce qui nécessiterait une mesure dérogatoire au niveau européen.

Cette étude souligne les défis auxquels sont confrontées les collectivités locales pour mettre en œuvre les objectifs de la loi Egalim et de la loi Climat, et la nécessité de soutenir les initiatives locales pour une restauration scolaire plus durable et de qualité.

Pour télécharger l'étude, cliquez ici

13 Mai

Le 2 avril dernier, le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a organisé la « Conférence des solutions » pour que les acteurs des filières échangent sur le rôle de la restauration collective dans le soutien à l’agriculture française.

 « Le compte n'y est pas, y compris pour la restauration collective d'État » a souligné la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher. Effectivement, selon le bilan statistique annuel 2023 de la plateforme ma cantine, la part du bio en valeur dans les achats des télédéclarants seraient, a priori, de seulement 13,1 % (au lieu des 20 % exigés) et le taux de produits durables et de qualité de 27,5 % (au lieu des 50 % exigés).

Cette conférence visait donc à trouver des solutions pour accélérer l'application du volet de la loi Egalim concernant les achats de la restauration collective, en réponse à la colère des agriculteurs : ils espèrent que ce secteur pourra contribuer à sauver l’agriculture française. Il convient toutefois de nuancer l’influence potentielle de l’atteinte des objectifs fixés par la loi Egalim en restauration collective sur les volumes de production agricole de l’hexagone.

En effet, les 3 milliards[1] de repas servis annuellement en restauration collective ne représentent qu’une faible proportion de la consommation alimentaire totale des ménages français, soit moins de 9 % des 49 milliards de repas.

Compte tenu de cette réalité, il est crucial de comprendre que les marchés de la restauration collective ne peuvent pas être considérés comme une solution pour sauver l’agriculture française, même si elle peut y contribuer. En fait, la situation est encore plus complexe car les achats de denrées alimentaires dans ce secteur sont souvent négociés à des niveaux très bas, et tous les leviers ont été utilisés pour les maintenir : groupements d’achat pour augmenter les commandes, standardisation des menus, accords avec l’agroalimentaire pour utiliser des produits pré-élaborés, etc. Tout cela dans le but d’assurer une restauration sociale accessible. Aujourd’hui, il est devenu évident que les achats alimentaires doivent également garantir une rémunération équitable aux agriculteurs. Cette équation complexe nécessite une réflexion approfondie sur les enjeux économiques et sociaux du secteur agricole et de la restauration collective.

Dans le même temps, alors que l’engouement relatif à la souveraineté alimentaire et plus encore celui du localisme se renforcent, il est important de souligner que les régions françaises sont inégales en matière de productions agricoles : heureusement que la Bretagne exporte la majeure partie de ses productions pour les régions pauvres en produits laitiers, en viande blanche et en légumes… Et que dire des besoins de la restauration collective qui s’avèrent bien modestes en comparaison de la demande des industriels et de celle de la grande distribution.

Quant aux petites exploitations, essentiellement celles qui abritent les productions de légumes pouvant répondre aux attentes de proximité des acteurs de la restauration collective, elles se heurtent souvent à une double contrainte : celle des marchés publics, et celle de la saisonnalité. Trop peu de produits bruts et frais entrent dans les menus des cantines, qui sont fermées en été. De plus, ces exploitations ne sont pas en mesure de garantir un minimum de transformation correspondant aux besoins de la restauration collective en proposant leurs productions sous forme élaborée (3e ou 4e gammes), car cela nécessiterait des investissements importants pour leurs transformations … et là encore, une massification pour optimiser ces outils.

Ensuite, cette promotion du localisme ne doit pas nuire à la rémunération, à l’indépendance et aux conditions de travail des agriculteurs.

Il serait plus judicieux de se focaliser sur les achats des principaux acteurs de la restauration collective, à savoir les sociétés de restauration et les grands établissements publics de coopération intercommunale de restauration en gestion directe qui représentent autour de 50 % de la production des repas en restauration.

Alors que les discussions sur l’avenir de notre modèle agricole deviennent de plus en plus animées, il est surprenant de constater que les industries de la transformation restent largement ignorées. Pourtant, les agro-industriels occupent une position clé au milieu de la chaîne alimentaire, influençant à la fois la qualité de l’agriculture en amont et les choix des consommateurs en aval. Leur impact sur la durabilité des systèmes alimentaires est considérable, et la plupart des agriculteurs et des consommateurs sont contraints de s’adapter aux décisions de ces acteurs majeurs qui ont capté une grande partie de la valeur.

Malgré cela, il est essentiel de continuer à soutenir et à poursuivre les objectifs de la loi Egalim en matière de restauration collective pour plusieurs raisons. En effet, cette loi promeut l’utilisation de produits de qualité et durables, favorisant ainsi une alimentation plus saine pour tous et respectueuse de l’environnement. De plus, elle contribue à améliorer la qualité de l'alimentation servie dans les cantines scolaires, les hôpitaux, les maisons de retraite et autres établissements publics.

En somme, la restauration collective peut jouer un rôle clé dans la promotion d'une alimentation plus saine et plus durable.

François Mauvais & Laurent Terrasson

 

[1] Statistiques d’avant-crise

09 Jan

Vers des Pratiques Alimentaires Plus Responsables

Au seuil du 1er janvier 2024, la restauration collective franchit une étape cruciale vers des pratiques alimentaires plus durables et de qualité. Encadrée par les lois EGAlim et Climat et Résilience, cette évolution vise à transformer les habitudes alimentaires au sein des établissements de restauration collective, qu'ils soient publics ou privés.

Des Objectifs Ambitieux Fixés par la Loi

Dès le 1er janvier 2022, la loi EGAlim posait un objectif ambitieux : atteindre au moins 50% de produits durables et de qualité dans les menus des restaurants collectifs sous gestion publique, dont 20% de produits bio. Ce cap, désormais étendu aux établissements du secteur privé depuis le 1er janvier 2024, souligne l'engagement global en faveur de produits respectueux de l'environnement.

Un Soutien Renforcé à l'Alimentation Durable

Tous les établissements de restauration collective contribueront dorénavant à favoriser les produits durables et de qualité, dont ceux issus de l'agriculture biologique. Une avancée significative pour soutenir les pratiques agricoles respectueuses, tout en offrant des repas sains et équilibrés à leurs convives.

Engagement Renforcé pour la Viande et le Poisson

À partir du 1er janvier 2024, un nouveau cap est fixé : les établissements de restauration collective doivent garantir que 60% des produits de viande et de poisson soient d'origine durable et/ou de qualité. Cette exigence monte à 100% pour les établissements sous gestion de l'État. Une mesure essentielle pour promouvoir une consommation responsable et respectueuse des ressources.

Transparence et Suivi des Achats

Pour mesurer la progression vers ces objectifs ambitieux, chaque restaurant collectif est désormais tenu de communiquer les détails de ses achats sur la plateforme numérique "ma cantine". La date limite pour la déclaration des achats de l'année 2023 est fixée au 31 mars 2024. Ce suivi renforcé permettra d'évaluer collectivement l'impact des changements opérés.

Un Engagement Élargi à Tous les Acteurs

En application de la loi Climat et Résilience depuis le 1er janvier 2024, les objectifs d'approvisionnement en matière d'alimentation durable et de qualité s'étendent à tous les opérateurs publics et privés du secteur de la restauration collective. Cela inclut les restaurants en entreprises privées, démontrant une volonté collective de changer les pratiques alimentaires à tous les niveaux.

Responsabilité et Transparence Obligatoires

Enfin, tous les responsables ou gestionnaires d'un restaurant collectif, qu'il soit public ou privé, en régie directe ou en gestion concédée, sont tenus de renseigner leurs données d'achat en denrées alimentaires pour l'année 2023 sur la plateforme numérique "ma cantine" avant le 31 mars 2024. Cette obligation, établie par l'arrêté du 14 septembre 2022, vise à garantir la transparence et à faciliter l'établissement du bilan statistique annuel.

Ensemble, restaurateurs, gestionnaires, et convives, contribuons à une alimentation plus responsable et respectueuse de notre planète ! #RestaurationDurable #AlimentationResponsable #MaCantineEngagée

21 Déc

Une initiative audacieuse et efficace a émergé dans le cadre du Plan France Relance, portée par la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement d’Île-de-France (DRIHL IDF).

Cette action, menée par l’association Cantines Responsables et l’Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa), vise à mobiliser les services de restauration collective pour lutter contre la précarité alimentaire en France.

L'expérimentation lancée en 2021 a établi des partenariats locaux entre les sites de production de repas de restauration collective et les lieux d'aide alimentaire sur trois territoires franciliens. Cette approche novatrice s’est appuyée sur les retours d'expériences issus de la crise sanitaire de 2021-22, où l'analyse de 12 territoires ayant mis en place des initiatives similaires a livré des enseignements précieux.

En 2022-23, des expérimentations locales ont été lancées à Gennevilliers et Nanterre, avec une analyse approfondie d'un dispositif existant à Massy. Les résultats, issus d'une évaluation d'impact menée en 2023, sont encourageants et soulignent l'efficacité de cette approche.

Les principaux points à retenir de cette expérience sont les suivants :

1. Un taux de satisfaction élevé : Les usagers ont exprimé un taux de satisfaction de 79 à 100% concernant les repas, soulignant ainsi l'appréciation de la qualité des repas.

2. Une meilleure alimentation pour les usagers : Les repas ont contribué à améliorer l'alimentation des usagers en diversité et en qualité, offrant des produits frais même avec un budget alimentaire restreint.

3. Un rôle social renforcé de l'alimentation : La convivialité et le partage du repas sont devenus des éléments essentiels, renforçant le rôle social de l'alimentation.

4. Des partenariats mobilisateurs : Les partenariats ont permis des économies pour les structures d'accueil, tout en offrant des aliments sains et diversifiés, améliorant ainsi l'accueil des usagers.

Cependant, malgré ces résultats positifs, des défis subsistent. La mobilisation des acteurs sur les territoires a été compliquée. Les structures de restauration collective ont dû faire face à des complexités logistiques et à des défis liés aux ressources humaines ainsi qu’à l’inflation.

Et comme il s’agit ici d’un plaidoyer pour une généralisation et une expansion de cette initiative prometteuse, voici sept recommandations pour y parvenir :

1. Développer un plaidoyer basé sur la preuve : Faire connaître cette expérimentation dans des instances de la restauration collective au niveau local, régional, et national.

2. Impliquer les acteurs institutionnels locaux : Favoriser l'interconnexion entre acteurs du champ social et de l'alimentation avec l'implication des Villes (CCAS) et des élus.

3. Repérer les acteurs locaux : Identifier les acteurs capables de recevoir et distribuer des repas issus de la restauration collective.

4. Mobiliser une double ingénierie en mesure de mettre en lien les acteurs de l’aide alimentaire et ceux des restaurations collectives, documenter et évaluer les projets.

5. Soutenir les acteurs intermédiaires « antigaspi » : Favoriser les acteurs capables d'apporter une expertise logistique sur la gestion des invendus et la distribution de repas.

6. Mobiliser les Programmes Alimentaires Territoriaux (PAT) : Utiliser les PAT et le programme Mieux Manger Pour Tous pour lever les freins financiers et donner à la Ville un rôle de porteur et financeur du projet.

7. Rappeler l'obligation du don : Souligner l'importance du don alimentaire pour toutes les structures produisant plus de 3000 repas par jour.

Ainsi la mobilisation des services de restauration collective pour lutter contre la précarité alimentaire est non seulement possible, mais elle offre également des atouts significatifs pour les usagers et pour les structures impliquées.

Il nous faut saisir cette opportunité pour créer un impact positif à grande échelle et garantir que personne, et en particulier les plus vulnérables ne soient laissés pour compte dans notre société.