Brèves

29 Juin
DOSSIER "LE HANDICAP AU TRAVAIL"

Le constat du Défenseur des droits est sans appel. Le critère du handicap est, depuis plusieurs années, le premier motif de saisine en matière de discrimination, celle-ci se manifestant en particulier dans l’accès à l'emploi. Si des avancées sont à signaler, le recrutement des personnes en situation de handicap reste globalement problématique, tout comme le maintien dans l'emploi et la garantie d'une carrière.

Soyons précis, la notion de handicap est à différencier de la notion de handicap au travail. L’article L.5213-1 du Code du travail dispose que « Est considéré comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique. » Le handicap recouvre une multiplicité de situations : handicap visible, invisible, physique, mental, psychique, etc. Faute de données unifiées entre les différents services de reconnaissance des handicaps, déterminer la part exacte de la population en situation de handicap en France est mission impossible. Selon l'enquête de l'Insee « Emploi 2020 », 5,6 millions de personnes en activité (au chômage ou employées) âgées de 15 à 64 ans déclarent être en situation de handicap, ou avoir une maladie ou un problème de santé affectant leur vie quotidienne. Parmi ces 5,6 millions de Français, un peu moins de la moitié sont reconnus comme souffrant d’un handicap ou d’une perte d’autonomie par l’administration. Demander la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), c’est faire reconnaître officiellement par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) son aptitude au travail, suivant ses capacités liées au handicap. Cette reconnaissance s’accompagne d’une orientation vers un établissement ou service d’aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle (CRP).
Mais, pour obtenir la RQTH, il faut parvenir à déposer un dossier complet à l'administration dédiée et c'est, une fois encore, un vrai parcours du combattant. Qui plus est, les délais d’examen des dossiers sont très longs, même pour les renouvellements - le délai moyen est en effet compris entre 4 et 18 mois.

Juridiquement, le maintien dans l’emploi est défini par l’article L.5213-6 du Code du travail : « Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés [...] les employeurs prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs [...] d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur. » Depuis 1987, les entreprises de plus de 20 salariés ont une obligation d’emploi de travailleurs handicapés, qui s‘élève à 6% de leurs effectifs. Celles qui ne respectent pas ce niveau minimal sont soumises à une contribution financière, comprise entre 400 et 600 fois le SMIC horaire par bénéficiaire manquant. Les dispositions ne se limitent pas à l'embauche des personnes en situation de handicap. Elles prévoient également un maintien de l’emploi de toute personne présentant une inaptitude (ou même un risque d’inaptitude) pour son poste de travail, et ce en prenant toutes les mesures nécessaires aux besoins du travailleur (aménagement du poste, des locaux de l’entreprise, etc.). Trente-six ans après, quelle est la situation ? La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) a publié, en novembre 2022, les chiffres 2021 de l'emploi des travailleurs handicapés. Le taux d’emploi est resté stable en 2021, atteignant 3,3% pour les entreprises de 20 à 49 salariés contre 4,5% pour celles de 250 à 499 salariés et 6,1% pour celles de 2 500 salariés ou plus. Ainsi, 35% des entreprises de 2 500 salariés ou plus atteignent le seuil qui leur est imposé contre 25% de celles comptant entre 100 et 2 499 salariés. Entre les grandes entreprises -  mieux informées, plus habituées et donc mieux armées face à ces situations - et les PME (99% des entreprises en France), les difficultés relevées par l’étude n'étaient pas les mêmes. Ainsi, plus l’entreprise est petite, plus il lui sera compliqué de trouver les acteurs en mesure de l'accompagner pour trouver des solutions.

Du côté du nombre de demandeurs d’emploi, celui-ci est passé en dessous du seuil des 500 000 pour la première fois en novembre 2019 (chiffres Dares) et n’a pas cessé de diminuer avec, fin décembre 2021, 474 170 personnes inscrites à Pôle emploi contre 515 530 en décembre 2018. Le taux de chômage atteint 14% (8% tout public) contre 18% en 2018 (9% en tout public). Les embauches des personnes en situation de handicap ont augmenté de 26% en un an. Cette dynamique se retrouve également dans les chiffres de l’apprentissage puisqu’ entre 2019 et 2021, le nombre d’apprentis en situation de handicap a bondi de 79%, passant de 4 562 à 8 159, grâce à des incitations essentiellement financières.

En revanche, les actifs en situation de handicap exercent une variété de métiers plus réduite. Dans une étude parue en 2023, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a constaté que 20 professions représentaient 37% de l’emploi des personnes handicapées, contre seulement 25% pour les autres actifs. Un phénomène qui s’observe dans le secteur privé comme dans le public, mais plus fortement chez les femmes (52% des postes occupés dans les 20 professions les plus répandues contre 36% pour les hommes), les jeunes et les non-diplômés (59% et 58% respectivement). En outre, seulement 8% des personnes handicapées occupent un poste de cadre, soit 2,3 fois moins que pour les autres actifs.

D'après une étude de la Fondation Handicap Malakoff-Humanis publiée en 2021, le premier frein à l'embauche réside dans le regard que les salariés concernés portent sur leur handicap. Ils éprouvent notamment des difficultés à admettre que leur invalidité les rend inaptes (ou moins efficaces) à certaines tâches, à évoquer ces difficultés avec leurs collègues, leur hiérarchie ou les ressources humaines. Selon le cinquième baromètre Agefiph-IFOP sur la perception de l’emploi des personnes en situation de handicap, paru en décembre 2022, 61% des personnes interrogées déclarent qu’elles n’ont pas signalé leur situation sur leur CV, par crainte que cela ne leur soit préjudiciable. Près de la moitié des répondants ayant mentionné leur handicap sur le CV ou lors de l’entretien d’embauche constatent que cela avait constitué « plutôt un frein ». Pourtant, les recruteurs conseillent majoritairement aux candidats d'évoquer leur handicap lors des entretiens d'embauche, voire même dès le CV. L'étude pointe toutefois une « évolution générationnelle » sur cette question, les jeunes s’avérant plus enclins à mentionner leur handicap. Ainsi, 73% des plus de 65 ans indiquent ne l'avoir jamais fait contre 52% des moins de 25 ans.

Les entreprises s'engagent de différentes manières. Elles rejoignent des communautés (Les entreprises s’engagent, Le Manifeste Inclusion, entre autres) et participent à des événements comme le DuoDay. Un temps fort de la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, dont le principe est le suivant : une entreprise, une collectivité ou une association accueille, à l'occasion d'une journée nationale, une personne en situation de handicap, en duo avec un professionnel. Une opportunité unique de découvrir un métier, une entreprise et de dépasser les préjugés. La dernière édition du DuoDay, qui s'est déroulée le 18 novembre 2022, a battu tous les précédents records, aussi bien celui du nombre d'employeurs inscrits sur la plateforme de l'événement (11 506, soit + 26% par rapport à l'édition 2021), que celui du nombre de personnes en situation de handicap inscrites (30 165, soit +13% par rapport à 2021) ou du nombre de duos enregistrés (20 746, soit + 22% par rapport à l'édition 2021). « Le DuoDay est désormais une journée identifiée par tous les employeurs pour recruter de nouveaux talents. Avec près de 20% de débouchés professionnels, c'est un outil essentiel pour atteindre le plein-emploi des personnes en situation de handicap » constate Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, chargée des Personnes handicapées. À en croire la 5e édition du baromètre Agefiph-Ifop de 2022, 62% des dirigeants seraient prêts à embaucher une personne en situation de handicap. Un taux qui s'accroît selon la taille de l'entreprise, s'élevant à plus de 92% dans celles qui comptent 20 salariés et plus. Une nette amélioration déjà observée lors des deux précédentes vagues. Les employeurs sont de plus en plus nombreux à mettre en place une politique handicap, parfois ambitieuse, estimant que celle-ci est facteur de progrès, tant pour la performance de l’entreprise que pour les enjeux de qualité de vie au travail (QVT), de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), de stratégie « marque employeur » pour attirer des talents, etc.  Une évolution encouragée par des tensions de recrutement qui perdurent. En effet, depuis six mois, 77% des recruteurs rencontrent des difficultés pour pouvoir leurs postes vacants. Dans ce contexte, deux tiers d'entre eux déclarent qu'ils pourraient « s'ouvrir à de nouveaux profils ». Les résultats de l'étude révèlent toutefois « le caractère discriminant de la taille de la structure », les dirigeants des plus petites se montrant bien plus réservés (57% pour celles embauchant un à neuf salariés contre 97% pour celles de 100 salariés et plus). Tout comme les grandes entreprises, celles ayant été accompagnées par l'Agefiph sont plus nombreuses à envisager l'embauche d'un travailleur en situation de handicap (78%).

 

En 2024, Pôle emploi disparaîtra au profit de France Travail et Cap emploi au profit de France Travail handicap. Les associations et les personnes handicapées s'interrogent sur cette bascule. Le gouvernement se veut rassurant et affirme que celle-ci permettra d'améliorer la formation, l'insertion professionnelle et la recherche d'emploi grâce à une meilleure coordination entre les différents acteurs concernés. France Travail assure qu'il « a intégré pleinement dans ses réflexions les spécificités des personnes en situation de handicap », en y associant les acteurs dédiés (l'Agefiph, le Fiphfp, les Caf, les CPAM, etc.). Des propositions sont intéressantes, comme celle d'offrir à toutes les personnes en situation de handicap qui le nécessitent de bénéficier d'un accompagnement vers l'emploi. Avant sa généralisation, cette proposition devra faire l'objet d'un pilote mené dans plusieurs départements.
Autre mesure tout aussi intéressante, garantir que l'offre de formation de France Travail soit accessible à tout demandeur d'emploi handicapé. Un pilote devrait être lancé en 2023 dans quelques départements. Sans oublier cette autre mesure qui consiste à garantir que France Travail favorise la rencontre entre recruteurs et demandeurs d'emploi. Une expérimentation devrait être lancée en 2023 dans quelques agences pour tester le système d'information et mesurer ses effets sur le retour à l'emploi. Ces initiatives seront-elles vraiment suivies d'effets ? Les associations de personnes handicapées émettent des doutes. Les termes « un pilote devrait être lancé », « une expérimentation devrait être lancée » peuvent effectivement laisser planer un doute. Une enquête récente menée par l’Agefiph et l’Ifop révèle que moins d’une personne handicapée sur cinq pense que le plein-emploi peut être atteint d’ici à 2027.

Les différents gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont tous fait du handicap une de leurs priorités. Les démarches spécifiques visant à favoriser l'emploi des personnes en situation de handicap s'enchaînent depuis plusieurs décennies. Selon Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, « les décisions prises depuis 2017 pour améliorer l’insertion des personnes en situation de handicap dans l’emploi et l’engagement de l’ensemble des acteurs mobilisés sur le sujet ont permis une vraie amélioration. Nous devons poursuivre ce combat et ne pas relâcher nos efforts ». La 6e Conférence nationale du handicap (CNH), qui a eu lieu le 26 avril, a été l’occasion pour le gouvernement Macron d’affirmer ses ambitions en la matière pour les années à venir. La question du handicap « doit être une question naturelle et au cœur de toutes les politiques publiques et de ce qui fait la vie de la nation ». Parmi les mesures promises, les 120 000 salariés qui travaillent en ESAT (Établissement et service d'aide par le travail) devraient disposer, comme tout autre salarié, de tous les droits sociaux, le droit de grève, le droit à la représentation syndicale ou la complémentaire santé. « Il n'est pas admissible non plus que ces travailleurs ne soient rémunérés qu'à 60% du SMIC ». Là encore, les associations émettent des réserves et regrettent « beaucoup de flou », « beaucoup de déclarations d'intention sans calendrier », mais ne demandent qu'à croire à la concrétisation de ces mesures.

22 Juin

Lorsque Cédric Prévost1 a évoqué la Snanc, lors du dernier salon Agores en mai à Auch, tout le monde s’est regardé. Parlait-il Shadok ? Mais à en croire l’actualité, nous devrions entendre de plus en plus cet acronyme qui signifie « stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat », en particulier en restauration collective. Aux origines de cette stratégie, les membres de la Convention citoyenne pour le climat qui proposaient en 2019 de « réfléchir sur un modèle de politique commerciale d’avenir soucieux d’encourager une alimentation saine et une agriculture faible en émissions de gaz à effet de serre en France2 ». Cette proposition de la Convention citoyenne a été reprise dans la loi Climat et résilience de 2021 en venant modifier le code rural et de la pêche maritime dans l’article 265 (Titre VI)3. Ce texte précise que la stratégie nationale doit déterminer les orientations de la politique de l'alimentation durable, favorisant les systèmes alimentaires territoriaux, garantissant la souveraineté alimentaire, et les orientations de la politique de la nutrition, en s'appuyant sur le programme national pour l'alimentation (PNA) et sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS). Rappelons que le PNA prend en compte notamment la justice sociale, l'éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Et pour assurer la souveraineté alimentaire et cet « ancrage territorial », le PNA précise « les modalités permettant d'associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs ». Ce qui, entre parenthèses, apparait comme étant de moins en moins le cas (voir à la page 6 l’étude de Cantines responsables et C-Ways). Revenons à la Snanc. Encore méconnue, cette nouvelle stratégie suscite déjà beaucoup d’attentes de la société civile. Le 15 mai, pas moins de 70 organisations environnementales et de santé publique, et des associations, dont l’Association française des diététiciens-nutritionnistes (AFDN), ont publié une lettre ouverte à la Première ministre, Elisabeth Borne, pour demander que la Snanc « énonce clairement des objectifs ambitieux et précis pour la transition de notre alimentation » et « planifie des politiques structurelles tout au long de la chaîne alimentaire » en faisant de l’accès pour tous à une alimentation durable une priorité. Un tel ralliement et une telle adhésion de la société civile sont chose rare. Et sans nul doute, la pression monte pour le gouvernement mais aussi pour les instances professionnelles de notre système alimentaire. Le 5 avril, la contribution4 du Conseil national de l’alimentation (CNA) à la Snanc a été adoptée par consensus. Les 17 objectifs de ce texte ont entraîné des dissensions, notamment sur la mise en cohérence des politiques publiques nationales agricoles avec les stratégies européennes (Green Deal ou « Pacte vert » ; « De la ferme à la table »), sur l’inscription du droit à l’alimentation dans le droit français ou encore sur le développement de l’agriculture biologique. À L’issue des débats, des changements ont été apportés, par exemple en ce qui concerne l’objectif stratégique 4.2. qui insiste sur la poursuite de l’impact environnemental et l’amélioration de la durabilité de l’offre alimentaire en « modérant l’offre de produits carnés et laitiers ». Il a été modifié à la demande de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), de la Coopération agricole (LCA) et de cinq autres membres du CNA, pour qui la « notion d’équilibre alimentaire entre produits végétaux et animaux » est à privilégier. De même, l’Association nationale de l’industrie agroalimentaire (ANIA), la FNSEA, LCA et deux autres représentants sont en désaccord avec l’idée de « réglementer le marketing et la publicité des produits allant à l’encontre d’une alimentation équilibrée, saine et durable » et disent préférer un « encadrement volontaire ». En tout et pour tout, la moitié des objectifs énoncés par le CNA ont fait l’objet d’avis défavorables de la part de certains membres. Un accord a fait l’unanimité. Il concerne la restauration collective : « <Elle> représente un levier pour assurer une meilleure inclusion et l’accès pour toutes et tous à une alimentation durable et de qualité » et elle doit bénéficier d’un « accompagnement économique ». Nul doute, les acteurs de la restauration collective devront surveiller le contour et le contenu de la Snanc dans les mois à venir.

Laurent Terrasson

 

1 Cédric Prévost, sous-directeur de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques, Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
2 Convention Citoyenne pour le climat
3 Extrait : « La stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat détermine les orientations de la politique de l'alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire, mentionnée au 1°du I, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition, en s'appuyant sur le programme national pour l'alimentation et sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l'article L. 3231-1 du code de la santé publique. »
4 cna-alimentation.fr
14 Avr

En mai 2022, le ministère de l’Agriculture est devenu celui de la souveraineté alimentaire et depuis lors, et en particulier pendant le Salon de l’agriculture, les tables rondes et débats se sont multipliés sur ce thème. La FNSEA, FranceAgrimer, le Cirad et Interfel ont repris le sujet, n’hésitant pas à convier les acteurs de la restauration collective. Le terme « souveraineté alimentaire », introduit par le mouvement paysan Via Campesina à l’occasion du sommet mondial de l’alimentation à Rome en 1996, est à l’origine un concept altermondialiste1 .Depuis, il s’est enrichi en intégrant les dimensions de durabilité et de droit du travail. Lors du Salon de l’agriculture, ce concept a pris une orientation plus économique et politique dans les discours des acteurs professionnels. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a laissé entendre que la souveraineté alimentaire s’impose tant les constats sont alarmants. Rien que dans l’hexagone, un tiers des exploitations agricoles ont disparu entre 2010 et 2020 et le nombre d’exploitants a chuté de 18% depuis 2010. En Europe, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 32% entre 2003 et 2016 et pourrait atteindre 62% d’ici à 2040. Revenons à l’hexagone. Si l’on regarde le secteur des volailles, il est à noter que les filières avicoles françaises subissent de plein fouet depuis 2021 des épidémies d’IAHP (Influenza aviaire hautement pathogène), lesquelles ont conduit à des abattages massifs, y compris d’animaux reproducteurs. De ce fait, sur un laps de temps très court, les filières ont basculé d’une situation plutôt excédentaire à une situation de dépendance, sauf pour les volailles Label Rouge. En conséquence, la restauration hors domicile a désormais un recours important aux importations : 46% des poulets consommés en France provenaient de pays étrangers au 1 er semestre 2021, contre 41% en 2020 2 .Autre exemple révélateur de ce qui se passe en France : 50% seulement des fruits et légumes consommés sont produits sur le territoire. En ce qui concerne les fruits (hormis les fruits tropicaux), la baisse continue de la production nationale (-17% en 10 ans) a fait basculer le secteur « d’un niveau moyen de quasi auto-approvisionnement apparent à une situation de dépendance aux importations », comme le souligne FranceAgrimer. En ce qui concerne les légumes (hors pommes de terre), si les exportations restent stables, la baisse de la production se traduit par un surcroît d’importation. Alerté depuis de longs mois par les responsables d’Interfel (l’interprofession des fruits et légumes), le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau a annoncé le 1 er mars le déploiement d’un plan de souveraineté « fruits et légumes » de 200 millions d’euros dès 2023, avec pour objectif de remonter le niveau d’autosuffisance national à 60% d’ici dix ans. Clairement, la dépendance aux importations fragilise la capacité de la France à exercer sa souveraineté alimentaire. Et si on continue sur cette voie, non seulement le destin de nos approvisionnements alimentaires peut être soumis de plus en plus aux évolutions du marché mondial, aux risques de pénuries ou à d’autres incidents géopolitiques, et les acheteurs de la restauration collective devront faire de multiples pirouettes pour acheter des produits de qualité et d’origine France. Cette période de crise et cette volonté politique affichée doivent donc nous permettre d’imaginer une souveraineté alimentaire responsable comportant de nouvelles manières de nous organiser pour acheter et consommer tout en réduisant nos impacts environnementaux. « Nous devons remettre de la valeur dans des chaînes de valeur qui en détruisent », souligne le député Frédéric Descrozaille. « La grande consommation alimentaire fonctionne comme un sablier, 330 000 exploitations agricoles, quelques dizaines de milliers d’entreprises de transformation, et au milieu six centrales d’achat3 ». Même si la restauration collective ne représente que 7% du marché alimentaire global en France (contre 70% pour la grande distribution), c’est le seul secteur de la restauration hors-foyer qui s’engage à améliorer nos modes de consommation alimentaire grâce aux objectifs de la loi Egalim. Ne pouvons-nous pas aller plus loin grâce à la commande publique et à tous les acteurs de la restauration collective ? Ne pouvons-nous pas imaginer d’ajouter une disposition législative, une loi Egalim, qui viserait les achats alimentaires de la restauration collective pour soutenir la souveraineté alimentaire ? J’imagine alors que la restauration collective deviendrait, par effet d’entraînement, la référence du modèle alimentaire français.

Laurent Terrasson

 

1 « La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base en respectant la diversité culturelle et agricole. Nous avons le droit de produire notre propre alimentation sur notre territoire. La souveraineté alimentaire est une condition préalable d’une véritable sécurité alimentaire ».

2 Source : Itavi / Eurostat et SSP, Mapama, Defra, Destatis, Istat

3 Frédéric Decrozaille, député Renaissance ayant présenté une proposition de loi sur l’encadrement des promotions et les négociations commerciales entre les industriels et la grande distribution.

20 Déc
CRALIM

Plus de 200 personnes ont participé au CRALIM Ile-de-France, Comité Régional de l’Alimentation, organisé par la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRIAAF), le mardi 13 décembre.

Les PAT (Projet Alimentaire Territorial) étaient au cœur du débat. Outil de relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation, ils permettent de soutenir les circuits-courts et le développement de produits locaux, tout en suscitant en Ile-de-France de nombreuses interrogations. Au cœur de leur développement, la restauration collective et les objectifs de la loi EGAlim, l’éducation alimentaire, la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Les débats ont rythmé cette journée très attendue par les participants, des débats riches se déployant de la fourche à la fourchette avec la présence de représentants de la chambre d’agriculture, de la distribution, de la restauration collective, et de nombreuses associations qui luttent entre autres contre la précarité alimentaire.

Cette journée était animée par le directeur de L’autre cuisine, Laurent Terrasson. En présence de Benjamin BEAUSSANT , Hervé Billet, Anne Lafalaise, Eric Moreau, Frederic MARCHAND Deborah Infante-Lavergne, Gabrielle MATHIEU , Benjamin Masure , Bruno LE SAËC , Charlotte Porez , Sylvie Delaroche-Houot , DRIEETS d'Île-de-France . Jeanne Cazaubon…

Une phrase que j’ai beaucoup apprécié lors de cette journée très riche : "LES PAT PEUVENT PARTICIPER À LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE NATIONALE".

Enfin, Monsieur Marc Guillaume, préfet de la Préfecture de la région d’Île-de-France a conclu par une présentation des priorités concernant la lutte contre la précarité alimentaire, le rôle de la restauration collective et la mise en place d'un réseau francilien des PAT.

20 Déc
Inflation

Suite à l’avis du Conseil d'État du 15 septembre, une nouvelle circulaire a été soumise le 29 novembre dernier aux membres du gouvernement, secrétaires généraux et préfets, prenant en compte l’évolution des prix des denrées alimentaires dans les marchés publics de restauration.

Cette circulaire autorise sous certaines conditions la modification des contrats en cours et prend en compte l’évolution des prix des denrées alimentaires dans les marchés publics de restauration. Les acheteurs de l’État devront aménager les conditions d’exécution des contrats publics en cours face à la flambée des prix des matières premières, des matériaux, des emballages, des transports et de l’énergie, et également de prendre les dispositions pour adapter leurs futurs marchés publics à l’évolution du contexte économique.

Ces mêmes recommandations concernent également les collectivités territoriales, les établissements publics locaux et les établissements publics de l’État.

Pour rendre cela possible, le groupe de travail économique du CNRC a produit un référentiel d’indices de prix disponible sur la plateforme « ma cantine ». Un guide de bonnes pratiques sera bientôt disponible sur cette même plateforme.

Une prise de position qui devrait permettre de soutenir les collectivités face à l’augmentation des prix et d’assurer leur approvisionnement de produits durables et bio, sans qu’il y ait une dégradation de la qualité des repas.

La circulaire est à retrouver sur le site du Ministère de l’Agriculture.