22 Juin

Lorsque Cédric Prévost1 a évoqué la Snanc, lors du dernier salon Agores en mai à Auch, tout le monde s’est regardé. Parlait-il Shadok ? Mais à en croire l’actualité, nous devrions entendre de plus en plus cet acronyme qui signifie « stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat », en particulier en restauration collective. Aux origines de cette stratégie, les membres de la Convention citoyenne pour le climat qui proposaient en 2019 de « réfléchir sur un modèle de politique commerciale d’avenir soucieux d’encourager une alimentation saine et une agriculture faible en émissions de gaz à effet de serre en France2 ». Cette proposition de la Convention citoyenne a été reprise dans la loi Climat et résilience de 2021 en venant modifier le code rural et de la pêche maritime dans l’article 265 (Titre VI)3. Ce texte précise que la stratégie nationale doit déterminer les orientations de la politique de l'alimentation durable, favorisant les systèmes alimentaires territoriaux, garantissant la souveraineté alimentaire, et les orientations de la politique de la nutrition, en s'appuyant sur le programme national pour l'alimentation (PNA) et sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS). Rappelons que le PNA prend en compte notamment la justice sociale, l'éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Et pour assurer la souveraineté alimentaire et cet « ancrage territorial », le PNA précise « les modalités permettant d'associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs ». Ce qui, entre parenthèses, apparait comme étant de moins en moins le cas (voir à la page 6 l’étude de Cantines responsables et C-Ways). Revenons à la Snanc. Encore méconnue, cette nouvelle stratégie suscite déjà beaucoup d’attentes de la société civile. Le 15 mai, pas moins de 70 organisations environnementales et de santé publique, et des associations, dont l’Association française des diététiciens-nutritionnistes (AFDN), ont publié une lettre ouverte à la Première ministre, Elisabeth Borne, pour demander que la Snanc « énonce clairement des objectifs ambitieux et précis pour la transition de notre alimentation » et « planifie des politiques structurelles tout au long de la chaîne alimentaire » en faisant de l’accès pour tous à une alimentation durable une priorité. Un tel ralliement et une telle adhésion de la société civile sont chose rare. Et sans nul doute, la pression monte pour le gouvernement mais aussi pour les instances professionnelles de notre système alimentaire. Le 5 avril, la contribution4 du Conseil national de l’alimentation (CNA) à la Snanc a été adoptée par consensus. Les 17 objectifs de ce texte ont entraîné des dissensions, notamment sur la mise en cohérence des politiques publiques nationales agricoles avec les stratégies européennes (Green Deal ou « Pacte vert » ; « De la ferme à la table »), sur l’inscription du droit à l’alimentation dans le droit français ou encore sur le développement de l’agriculture biologique. À L’issue des débats, des changements ont été apportés, par exemple en ce qui concerne l’objectif stratégique 4.2. qui insiste sur la poursuite de l’impact environnemental et l’amélioration de la durabilité de l’offre alimentaire en « modérant l’offre de produits carnés et laitiers ». Il a été modifié à la demande de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), de la Coopération agricole (LCA) et de cinq autres membres du CNA, pour qui la « notion d’équilibre alimentaire entre produits végétaux et animaux » est à privilégier. De même, l’Association nationale de l’industrie agroalimentaire (ANIA), la FNSEA, LCA et deux autres représentants sont en désaccord avec l’idée de « réglementer le marketing et la publicité des produits allant à l’encontre d’une alimentation équilibrée, saine et durable » et disent préférer un « encadrement volontaire ». En tout et pour tout, la moitié des objectifs énoncés par le CNA ont fait l’objet d’avis défavorables de la part de certains membres. Un accord a fait l’unanimité. Il concerne la restauration collective : « <Elle> représente un levier pour assurer une meilleure inclusion et l’accès pour toutes et tous à une alimentation durable et de qualité » et elle doit bénéficier d’un « accompagnement économique ». Nul doute, les acteurs de la restauration collective devront surveiller le contour et le contenu de la Snanc dans les mois à venir.

Laurent Terrasson

 

1 Cédric Prévost, sous-directeur de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques, Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
2 Convention Citoyenne pour le climat
3 Extrait : « La stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat détermine les orientations de la politique de l'alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire, mentionnée au 1°du I, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition, en s'appuyant sur le programme national pour l'alimentation et sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l'article L. 3231-1 du code de la santé publique. »
4 cna-alimentation.fr