Suite à notre participation au salon Tech&Bio (1), nous avons pu constater la situation préoccupante du marché bio en France actuellement. En effet, en grande distribution, les ventes ont connu une baisse significative au premier semestre de 2023, enregistrant une chute de 13 % en volume (2). Cette baisse s’explique non seulement par l’augmentation des prix des produits alimentaires, mais aussi par la montée de la concurrence des autres labels écologiques et les préoccupations liées aux approvisionnements locaux.
Plus encore, pour la directrice de l'Agence Bio, Laure Verdeau, nous assistons à « une défiance grandissante et à une ignorance croissante chez les consommateurs à l'égard des produits bio ». L'inflation a accentué la perception du bio comme un produit coûteux, au point que « certains producteurs ont choisi de ne plus afficher le logo bio pour éviter de faire fuir leur clientèle », a déclaré Philippe Camburet, président de la FNAB.
Lors des débats, tous les acteurs du secteur ont unanimement reconnu l'impérative nécessité de communiquer pour inverser cette tendance à la baisse des ventes. « Il faut réexpliquer l’intérêt de manger bio, pour la santé, pour l’environnement, pour plus de biodiversité », a souligné Philippe Camburet.
Malgré ces difficultés, certains acteurs de la filière bio restent optimistes quant à l'avenir, comme Pierrick de Ronne, administrateur du réseau Biocoop. S'il demeure perplexe sur notre souveraineté alimentaire, en particulier pour les productions animales françaises, il note une légère reprise du marché dans ses magasins. Mais avant toute chose, pour sortir de cette crise, il est important d’avoir un discours cohérent, des messages soutenus et engagés pour une transition efficace.
Le rôle moteur de la restauration collective
Au cours d’une table ronde portant sur le bilan des 20 % de bio requis en restauration collective, objectif de la loi EGAlim, nous avons pu mettre en lumière la spécificité de ce secteur et son rôle déterminant dans le développement de la bio en France. Cette loi exprime une volonté politique forte de promouvoir les produits bio dans les cantines. Cependant, nous sommes loin du but avec seulement 7 % de bio dans les cantines (2), bien en deçà des 20 % prévus par la loi. Pour l’Agence Bio, si la loi était respectée, cela représenterait un marché potentiel de 1,4 milliards d'euros pour les agriculteurs.
D'autres pays européens, tels que l'Allemagne, l'Italie, la Suède et le Danemark, ont fixé des objectifs plus ambitieux concernant le pourcentage de bio dans les cantines - 30%, 50%, 60% et 100% respectivement -, « ce qui montre qu'il y a d’autres exemples à suivre en Europe, avec des programmes plus ambitieux encore », indique Laure Verdeau. En France, ne négligeons pas les initiatives locales comme Bègles, Nancy, Roubaix, ou encore les collèges de la Dordogne, sans oublier Mouans-Sartoux, où les cantines atteignent une part élevée de produits bio dans les menus, tout en maintenant des coûts de fonctionnement acceptables dans le cadre de ce service public.
Pour l’Agence Bio, une des priorités est de promouvoir les produits bio dans la restauration hors domicile, en particulier dans la restauration commerciale, grande absente de ces débats sur la bio. « En France, les 170 000 restaurants ne proposent que 1 % de bio à leur carte », exposait Laure Verdeau à l’occasion du Sirha Omnivore, ce qui est bien en deçà de l’engagement des restaurants de collectivité. Face à ce constat, l’Agence Bio lance sa campagne « Cuisinons plus bio ». À cette occasion, une équipe de 13 ambassadeurs, du pizzaïolo aux propriétaires de food-trucks, sans oublier des représentants de la restauration collective, a été constituée pour sensibiliser tous les restaurateurs à l'intérêt d'intégrer des produits bio dans leurs menus.
En fin de compte, l'avenir du secteur bio en France repose sur l'engagement collectif de tous les acteurs, de la production à la distribution, en passant par la politique et la société civile.
Laurent Terrasson
1 Le salon Tech&Bio est un salon international agricole qui se tient tous les deux ans dans la Drôme. Il représente le premier salon de la bio en Europe et accueille des exposants de plus de 20 pays.
2 Source Agence Bio