Portée par des préoccupations environnementales et la quête d'une alimentation de qualité, l'aspiration au local s'impose, mais face aux enjeux de souveraineté alimentaire, une question persiste : vision d’avenir ou utopie ?
Le cadre législatif actuel offre une réponse mitigée. La loi Egalim, bien que tournée vers la durabilité et la qualité alimentaire, ne met pas en avant les produits locaux. Ces derniers ne répondent aux critères de la loi que s’ils disposent de labels tels qu’AOC ou Label Rouge. Pourtant, des initiatives comme le Programme national pour l’alimentation (PNA) et des outils pratiques comme Localim encouragent les collectivités à favoriser l’ancrage territorial. L’orientation est claire : intégrer davantage de produits locaux dans la restauration collective est non seulement bénéfique pour l’environnement, mais également essentiel pour soutenir l’agriculture régionale et préserver les savoir-faire locaux.
Pour les consommateurs, l’approvisionnement local incarne une promesse : celle d’une nourriture plus fraîche, plus savoureuse, et surtout en phase avec les saisons. Ces avantages sont renforcés par des bénéfices environnementaux évidents, comme la réduction des distances parcourues par les aliments, et donc de leur empreinte carbone. Sur le plan économique, soutenir les circuits courts contribue à dynamiser les territoires, en créant des emplois et en maintenant l’activité agricole. En restauration scolaire, la demande parentale est sans équivoque : près de 90% des parents souhaitent voir davantage de produits biologiques et locaux dans les menus de leurs enfants.
Cependant, la mise en œuvre de cette ambition se heurte à des obstacles majeurs. Tout d’abord, il faut assurer un approvisionnement régulier en dépit des aléas climatiques qui affectent les productions, de la petite taille des exploitations locales qui n’ont pas toujours la capacité à fournir les volumes nécessaires aux cuisines collectives, ou encore des contraintes logistiques, telles que la disponibilité des produits et l’organisation des livraisons.
Ensuite, le coût : les économies d’échelle limitées rendent les produits locaux parfois plus chers. Pour répondre aux besoins des cuisines centrales, il est nécessaire de massifier les volumes, ce qui pose des problèmes d’harmonisation, notamment en ce qui concerne les formats, les calibres, le degré de maturité ou encore les conditions de transformation.
Enfin, l’adaptation des infrastructures des exploitations locales est un enjeu majeur. Les petites structures doivent non seulement augmenter leur capacité de production pour répondre aux volumes demandés, mais aussi se conformer à des normes sanitaires et logistiques strictes, ce qui exige des investissements souvent hors de portée pour de nombreux producteurs.
Ces défis soulignent la nécessité d’un accompagnement des acteurs locaux, avec des politiques publiques favorisant la mise en réseau, le financement des infrastructures et une planification collective pour concilier qualité, durabilité et accessibilité.
Les services de restauration collective1 sont, heureusement, présents sur l’ensemble du territoire national et servent à juste titre toutes les cantines, y compris en milieu rural. Mais à quel prix et sous quelles conditions ? Un défi pour les collectivités dont les budgets sont restreints. Enfin, la complexité administrative des appels d’offres publics peut freiner l’accès des petits producteurs à ces marchés. Tous ces obstacles rendent la transition vers le local difficile, mais pas impossible.
Certaines collectivités ne se contentent plus de subir les contraintes mentionnées : elles interviennent directement dans la structuration des filières agricoles, de la production à la transformation, par exemple à Dijon, en Île-de-France, à Mouans-Sartoux, en Vendée... Ces initiatives marquent une rupture : les collectivités s’impliquent désormais non seulement comme acheteurs, mais aussi comme acteurs stratégiques de l’alimentation.
Pour autant, cette implication soulève des questions. En reprenant le contrôle de la chaîne d’approvisionnement - de l’achat ou de la mise en location de terres agricoles à la distribution des produits -, les collectivités risquent de créer une dépendance économique pour les producteurs locaux. Parallèlement, une intervention publique trop forte pourrait freiner l’innovation privée et déstabiliser l’équilibre des marchés.
Si l’objectif est de garantir une alimentation locale et durable, les collectivités doivent de manière suffisante démontrer que l’offre privée ne peut pas y répondre. Privilégier les approvisionnements locaux n’est pas une solution universelle, mais une stratégie à fort potentiel, à condition que les politiques publiques soient adaptées et que tous les acteurs soient impliqués.
La restauration collective a un rôle à jouer dans la transition vers une alimentation responsable et durable, mais pour que cette ambition devienne réalité, il faudra trouver un équilibre entre innovation publique et partenariats privés, toujours au service des territoires et de leurs habitants.
*Près de 92 000 sites de restauration collective en France, lieux de consommation (cuisines sur place + offices satellites) – près de 52 000 sites de production de repas – près de 36 000 autorités organisatrices des services de restauration collective – chiffres Cantines responsables – www.cantinesresponsables.org