Repas à 1€ pour tous : Une solution à double tranchant pour le réseau des CROUS

Le 05/11/2024

Avec la précarité étudiante qui ne cesse de croître, le repas à 1€ s'impose comme une aide indispensable. Mais derrière cette mesure solidaire se cachent de sérieux défis pour le réseau des CROUS, qui doit faire face à une demande toujours plus forte et à des infrastructures saturées. Entre enjeux financiers, logistiques et humains : cette initiative est-elle réellement viable ?

En quelques années, le repas à 1€ est devenu un pilier pour de nombreux étudiants en difficulté. L’an dernier, plus de 350 000 jeunes en situation précaire, qu'ils soient boursiers ou non, ont profité de cette mesure. Aujourd’hui, cette offre sociale représente même « la moitié des repas servis dans nos restaurants universitaires », a précisé Bénédicte Durand, présidente du CNOUS, lors de la présentation du nouveau projet stratégique le 5 novembre.

Le repas à 1€ : Succès et pression


Avec une hausse de 11 % du nombre de repas servis en un an, la demande exerce une pression intense sur les CROUS. Le réseau peine désormais à absorber cet afflux d’étudiants. La « pression sociale » sur les services des CROUS illustre non seulement la nécessité de cette aide, mais aussi les limites d’une généralisation. Car rappelons-le, produire un repas coûte entre 8 et 9 euros, comme le souligne Clément Cadoret, directeur général délégué du CNOUS.

Quand le succès devient un défi

La popularité du repas à 1€ engendre une saturation des infrastructures. « On est victimes de notre succès », admet Clément Cadoret, rappelant que les files d’attente atteignent parfois une heure sur certains campus. Une généralisation de l’accès au repas à 1€ pourrait intensifier ces difficultés : « Si le repas à 1€ était généralisé, le risque déceptif serait d'avoir des files d'attente d'une heure à une heure et demie », s’inquiète-t-il. Dans ces conditions, les étudiants, qui ont souvent moins d'une heure pour déjeuner, risqueraient de ne pas pouvoir en bénéficier pleinement.

Aller vers les étudiants isolés

Pour pallier aux inégalités d'accès, le CNOUS se tourne vers les zones blanches, ces territoires où l’offre de restauration universitaire est absente. Le réseau a instauré une politique d’agrément pour offrir des repas à tarif réduit aux étudiants dans les zones isolées, en partenariat avec des structures locales comme « les hôpitaux, lycées ou restaurants administratifs ». Actuellement étendu à 171 sites, ce programme de proximité pourrait être élargi à 50 structures supplémentaires d'ici la fin de l’année pour atteindre encore plus d’étudiants.

Priorité à une couverture plus fine

Pour mieux relever les défis logistiques, le CNOUS élabore une cartographie nationale des services des CROUS. Ce projet permettra d’identifier les zones où les étudiants n’ont pas d’accès direct à la restauration sociale et d’ajuster les investissements en conséquence. En visant à garantir une distribution équitable des ressources, cette cartographie renforcera également la coordination entre le CNOUS et les CROUS régionaux pour mieux répondre aux besoins de chaque territoire.

Une centrale d'achat pour garantir la qualité

En plus de l’accessibilité, la qualité des repas reste une priorité. Conformément à la loi Egalim, les CROUS doivent offrir des repas de meilleure qualité, respectueux de l’environnement, tout en maintenant des tarifs sociaux. Pour atteindre cet équilibre, la centrale d’achat des CROUS, qui gère « 80 % des achats alimentaires » pour environ 100 millions d’euros, optimise les dépenses sans compromettre la qualité. Cette centrale permet d’absorber certains coûts liés aux nouvelles exigences écologiques et devrait, à l’avenir, offrir ses services à d’autres structures « si nous trouvons le véhicule législatif pour que ce projet soit voté ».

À la recherche d'une solution pérenne

Alors que le débat parlementaire s’intensifie autour de l’extension du repas à 1€ pour tous, le CNOUS se trouve à un tournant. Des organisations étudiantes et certains élus plaident pour une généralisation temporaire de cette mesure, mais le CNOUS s’inquiète de la faisabilité de cette initiative sans financement supplémentaire.
Avec un coût estimé à 55 millions d’euros pour compenser le différentiel entre le tarif social de 1€ et le prix d’un repas à 3,30€, l’équilibre budgétaire est précaire.

Si le repas à 1€ continue de prouver son utilité, sa généralisation pose des défis de taille pour le réseau des CROUS. Étendre cette aide à tous reste un sujet de débat et pourrait nécessiter une refonte de l’offre de restauration pour éviter de transformer cette mesure solidaire en un casse-tête logistique. Le succès à long terme du repas à 1€ passera par une adaptation des infrastructures, une couverture territoriale mieux planifiée et un financement à la hauteur des besoins étudiants.

 

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