Produits de la mer et approvisionnement durable

Le 07/09/2021

LES BONNES QUESTIONS À SE POSER POUR UN ACHAT DURABLE

Les ressources de la mer ne sont pas inépuisables. Il est de la responsabilité des professionnels de la filière de proposer aux consommateurs des produits de la mer issus de stocks non surexploités ou qui ont été élevés dans des conditions respectueuses de l’environnement.

> Quelle est l’espèce que j’achète (quel est son nom scientifique) ?

Un même nom peut cacher plusieurs espèces. Le nom précis (nom scientifique) est nécessaire si l’on veut vérifier sa durabilité. De nombreuses confusions existent et peuvent porter sur des espèces dont les stocks distincts sont dans des états différents.
Si le thon est au menu : s’agit-il de thon rouge, de thon albacore, de thon germon, de bonite, de listao…? La dorade peut être rose, grise ou royale. La rose est en danger. Renseignez-vous sur le nom scientifique/latin précis de l’espèce que vous achetez.

POUR LES PRODUITS DE PÊCHE

> D’où provient l’espèce que j’achète ?

Il est essentiel de connaître l’origine précise du poisson et l’état du stock d’origine. Pour une espèce donnée (le cabillaud par exemple), certains stocks sont dégradés dans certaines zones et leur achat déconseillé. D’autres stocks dans d’autres zones, peuvent être en bon état. La zone précise de capture est indiquée sur les étiquettes du poissonnier.

> Quelle est la technique de pêche utilisée ?

Certaines techniques de pêche ont un impact beaucoup plus important sur l’environnement que d’autres, cela dépend des engins utilisés, de leur taille et de l’habitat visé. Certaines peuvent abîmer les habitats marins, entraîner des captures accessoires (juvéniles, espèces non désirées). D’autres techniques sont plus respectueuses. La technique de pêche utilisée est mentionnée sur l’étiquette du poissonnier.

Le poisson, crustacé ou mollusque a-t-il eu le temps de se reproduire avant d’être capturé ?

Pour de nombreuses espèces, la taille légale de commercialisation est inférieure à la taille de maturité sexuelle. Un achat responsable est celui qui porte sur des animaux adultes, ayant eu le temps de se reproduire avant d’être capturé. Par exemple, si la taille minimale de commercialisation du merlu Merluccius merluccius est de 27 cm dans le golfe de Gascogne, sa taille de première maturité sexuelle est de 60 cm.

POUR LES PRODUITS D’ÉLEVAGE

> Où a-t-il été élevé ?
> Quelles sont les conditions d’élevage ?
> La ferme est-elle éco-certifiée ?

LOI EGALIM ET PRODUITS DE LA MER

S’agissant de la loi EGAlim et des produits de la mer, la loi préconise :
• des produits bénéficiant de l’écolabel public français “Pêche durable”
• des produits issus de l’agriculture biologique (pour l’aquaculture) 
• des produits “équivalents” aux produits bénéficiant de ces signes, mentions, écolabels ou certifications.

À ce jour, seules deux pêcheries de thon rouge (Thunnus thynnus) de l’Atlantique Est et Méditerranée sont certifiées selon l’écolabel public français “Pêche durable” : la coopérative Sathoan (Sète) et l’Organisation de producteurs de Vendée (Sables d’Olonne). Le thon rouge, une espèce prisée, est davantage destiné à la restauration commerciale. Les produits d’aquaculture issus de l’agriculture biologique sont eux aussi peu répandus en restauration collective.

Il est possible de considérer comme compatibles à la loi EGAlim les produits de la pêche ou de l’aquaculture durable bénéficiant des certifications MSC et ASC.

Toutefois, les 12 pêcheries jusqu’ici certifiées MSC en France concernent des espèces peu servies en restauration collective et celles qui le sont ont, de fait, le plus souvent des origines plus lointaines : colin d’Alaska, cabillaud de Norvège, hoki de Nouvelle-Zélande… des produits le plus souvent surgelés. La Loi EGAlim intègre la notion « des coûts imputés aux externalités environnementales ». Cela permet de favoriser des produits locaux de la pêche et de l’aquaculture, y compris hors certification pêche durable ou bio, à condition que ceux-ci présentent des garanties proches, soient durables, soient moins générateurs d’impacts environnementaux.

Hélas, les outils d’analyse du cycle de vie et du coût environnemental ne sont aujourd’hui pas disponibles. Il revient au pouvoir adjudicateur de définir lui-même les critères sur lesquels s’appuyer. Pour exemple, les appels d’offres peuvent être segmentés pour le marché des produits de la mer, en intégrant une liste d’espèces de provenance nationale/régionale, des critères de qualité, de traçabilité, de durabilité, de taille des navires, de nombre restreint d’intermédiaires, de délais entre débarquement et livraison… et de conditions de production.

 

Le guide indispensable pour tous ceux qui veulent s’approvisionner durablement

Le guide des espèces à l’usage des professionnels présente les principales espèces de poissons, crustacés et mollusques sous l’angle de la durabilité. Un outil indispensable pour des achats durables.
Pour commander l’édition 2021 du Guide des espèces :
contact@ethic-ocean.org

Le thon rouge d’Atlantique Est et de Méditerranée : d’un risque d’effondrement à un stock sain

Le thon rouge d’Atlantique Est et de Méditerranée (Thunnus thynnus) est une espèce prisée qui a subi une très forte surpêche au début des années 90, et ce pendant plus de 15 ans. Grâce à une importante mobilisation, des mesures fortes mises en oeuvre à partir de 2007 ont permis d’éviter l’effondrement et de rétablir la population de thon rouge.

La marque collective “Thon rouge de ligne, pêche artisanale”* oeuvre pour une activité côtière raisonnée et une bonne gestion des ressources marines. Les poissons sont capturés artisanalement (pêche à la canne, à la traîne et à la palangre) le long des côtes, en respectant un cahier des charges strict et contrôlé.

Cette pêcherie écolabellisée (MSC et pêche durable), s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue de la durabilité de la pêche et de l’espèce, notamment pour limiter les prises accessoires (requins, raies…) et les prises accidentelles (oiseaux, tortues…) sur les palangres. Poisson d’exception, le thon rouge est un très bel exemple de la capacité à adapter les pratiques de pêche pour préserver une ressource. À consommer avec modération. 

Raies et requins, peut-on les consommer ?

Il existe près de 500 espèces de requins et 650 espèces de raies dans le monde. Ces poissons cartilagineux sont particulièrement vulnérables à la pression de pêche en raison de leur cycle de vie lent (maturité sexuelle tardive, gestation longue et faible nombre de petits par portée).

À l’échelle mondiale, raies et requins sont en situation très critique en raison de pratiques de surpêche et de pêche illégale, ainsi que de shark-finning** (pour les requins). Ces pratiques ont conduit à l’effondrement de nombreux stocks et au dérèglement d’écosystèmes marins.

Il est assez complexe de savoir quelles espèces et quels stocks sont à privilégier car pour beaucoup de ces espèces, les données scientifiques sont encore partielles et l’identification et la traçabilité sont
encore imparfaites ou insuffisantes.

Même si quelques progrès sont à noter (la pratique du shark-finning est interdite dans les eaux de l’Union européenne depuis 2013 ; les stocks de raies et requins font l’objet d’un suivi scientifique et d’un encadrement de la pêche en Europe ; l’Union européenne interdit à la pêche et à la commercialisation certaines espèces de raies et requins, partiellement ou intégralement en fonction des engins ou des zones de pêche).

Pour autant, la pêche de raies et requins en France doit encore répondre à différents enjeux : données scientifiques partielles, état des stocks différents, identification imparfaite, traçabilité insuffisante… Il est donc important de différencier les espèces dont les données disponibles montrent des améliorations de l’état des stocks de celles dont les stocks ne se portent pas bien. Ainsi, l’OPN (Organisation des pêcheurs normands) a initié des travaux afin :
- d’améliorer l’identification, le suivi, l’encadrement et la traçabilité de ces espèces sensibles ;
- de mieux appréhender l’état des stocks des raies et requins en Manche.

L’OPN a élaboré un guide, Raies et requins en Manche, en collaboration avec Normandie Fraîcheur Mer (NFM) et Ethic Ocean. Il présente la diversité de situations en Normandie et les espèces qui montrent des signes positifs d’évolution des stocks en Manche, comme la raie bouclée, la raie douce, la raie lisse, la petite roussette et l’émissole tachetée. La consommation de ces espèces peut donc être recommandée avec modération. Elles représentent à elles seules plus de 60 % des captures de raies et de requins sur les côtes de la Manche. De plus, en raison d’un manque crucial de données scientifiques et/ou d’une diminution très significative de débarquements sur certaines espèces, l’OPN recommande auprès de ses adhérents de ne plus pêcher 8 d’entre elles et de les remettre à l’eau, dès lors qu’elles seraient remontées vivantes lors de captures accidentelles (voir guide).

Guide Raies et requins en Manche, édité par l’OPN, en collaboration avec NFM et Ethic Ocean.

* portée par l’association VALPEM qui réunit pêcheurs (SATHOAN), mareyeurs et acteurs de la filière.
** le shark-finning consiste à couper les nageoires des requins et à les rejeter ensuite à la mer, sans aucune chance de survie

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