Les ingrédients du changement - Entretien avec Audrey Pulvar

Le 11/01/2022

À quels changements êtes-vous confrontée dans le cadre de vos activités ?

L’alimentation fait partie des grands enjeux de lutte contre les inégalités et de lutte contre le réchauffement climatique.

Les villes ont une très grande responsabilité – notamment dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation – pour devenir plus résilientes, plus vertes, plus nourricières et moins émettrices de gaz à effets de serre.

Les transitions agricoles et alimentaires sont nécessaires pour permettre à toutes et tous d’avoir accès à une alimentation de qualité, aux agriculteurs de vivre décemment de leur métier et à la planète de nous supporter.

Il s’agit de diminuer les pollutions de l’air, de l’eau, de nos sols fertiles, de réduire nos émissions de gaz à effets de serre liées aux secteurs de l’agriculture et de l’alimentation. Il s’agit également de mieux protéger la biodiversité, de mettre fin à la précarité alimentaire, de sortir les perturbateurs endocriniens de la restauration collective. Depuis un peu plus d’un an, Paris s’est dotée d’une délégation dédiée à l’alimentation durable, à l’agriculture et aux circuits courts que je suis très heureuse et fière de mener et qui permettra d’accélérer et d’intensifier le rôle de Paris dans ces nécessaires transitions agricoles et alimentaires.

Quels outils, comportements facilitent ce changement ?

Paris peut en effet agir grâce aux 30 millions de repas qu’elle sert annuellement dans sa restauration collective, dont 22 millions dans les cantines scolaires, afin d’accompagner la transition agricole du territoire francilien, de garantir aux agricultrices et agriculteurs, aux transformateurs, aux logisticiens, des débouchés surs et pérennes, une rémunération décente de leurs efforts.

Nous avons des objectifs ambitieux pour cette nouvelle mandature : d’ici 2026, 100 % de denrées durables ou bio dans la restauration collective parisienne, contre 53 % actuellement. À cela s’ajoute un nouveau critère de qualité, celui de la proximité. Au moins la moitié de ces denrées devront être issues de fermes ou d’exploitations maraichères situées à moins de 250 kilomètres de la capitale.

Pour atteindre ces objectifs, nous allons créer un nouvel opérateur de la Ville de Paris “AgriParis”. Nous sommes actuellement en train de le préfigurer à travers deux temps de concertation. Tout d’abord avec les citoyennes et les citoyens à travers une conférence citoyenne qui a réuni en mars dernier 100 personnes, dont 50 Parisiennes et Parisiens et 50 habitantes et habitants des autres départements d’Île-de-France. Ils ont présenté leurs 32 propositions afin de répondre à la question : « Bien manger en 2021, ça veut dire quoi ? ».

Puis avec les États généraux de l’agriculture et l’alimentation durables qui réunissent depuis le mois de mai les professionnels et professionnelles des secteurs de l’agriculture, de la transformation, de la logistique, ou encore les représentantes et représentants de la restauration collective et commerciale. Pour mener ces transformations, il est primordial de co-construire ce projet avec les citoyennes et citoyens ainsi qu’avec les professionnelles et les professionnels.

Quelles sont, selon vous, les urgences de changement ?

L’urgence climatique et l’accès de toutes et tous à une alimentation de qualité sont bien sûr les priorités.

Parallèlement à la construction d’AgriParis, nous avons engagé plusieurs actions pour le développement de l’agriculture en ville grâce à notre appel à projets “Parisculteurs”, pour soutenir l’installation de nouveaux lieux d’alimentation locale, durable et solidaire comme des épiceries coopératives, 100 % vrac ou zéro déchet, et des cuisines partagées. Nous avons aussi, et les cantines sont particulièrement concernées, adopté en octobre dernier un ambitieux plan de sortie des plastiques de la restauration collective parisienne qui va plus loin que les objectifs de la loi EGAlim.

Je présenterai par ailleurs notre Plan 100 % alimentation durable au Conseil de Paris en début d’année prochaine. Enfin, et c’est une première pour la Ville de Paris, nous avons lancé l’appel à projets “Paris Fertile” visant à soutenir des formations professionnelles aux métiers de l’agriculture durable afin d’accompagner les parisiennes et les parisiens demandeur.euse.s d’emploi ou salarié.e.s en reconversion professionnelle qui veulent se tourner vers les métiers de l’agriculture durable.

Pourriez-vous nous raconter une histoire personnelle marquante de changement ?

Il y a plus de vingt ans que j’ai commencé mon chemin vers un mode de vie plus respectueux de l’environnement et attaché au localisme et à un régime moins riche en protéines animales. Les principaux changements, je les ai déjà faits, même si je dois encore m’améliorer.

Au fil des années, j’ai abandonné la voiture, appris à mieux m’alimenter, compris l’importance de passer par des circuits alimentaires de proximité et de consommer des aliments de saison, acheté moins de vêtements... Je pratique déjà beaucoup le réemploi, le tri... J’ai aussi, depuis plus de dix ans, considérablement réduit ma consommation de viande sans la supprimer totalement. C’est plus difficile pour le poisson. Je pense que la prochaine étape décisive sera de passer à un régime entièrement végétarien. Le chemin continue !

Audrey Pulvar

Journaliste, animatrice de radio et de télévision et femme politique française. Présentatrice du 19/20 sur France 3 de 2005 à 2009, Audrey Pulvar est également connue pour avoir été chroniqueuse au sein de l’émission On n’est pas couché, de Laurent Ruquier sur France 2 en 2011 et 2012. Elle rejoint par la suite le groupe Canal+ et sa chaîne D8 à partir de 2013.

Elle est présidente de la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme entre 2017 et 2019, avant d’être élue conseillère de Paris en 2020 et de devenir adjointe d’Anne Hidalgo, chargée de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts.

 

Philippe Prunier

Enseignant à l’ESSEC et à l’ESCP, consultant spécialisé dans le pilotage de projets complexes et la conduite du changement, Philippe Prunier accompagne les PME, PMI, ETI dans leurs réflexions stratégiques et la mise en œuvre des évolutions à apporter (chaîne de valeur, modèle opérationnel, fonctionnement des équipes).

Retrouvez sa dernière chronique sur Les ingrédients du changement : Le maraîcher bio des chefs

Philippe Prunier