Les biodéchets, un casse-tête bientôt résolu ?

Le 19/05/2022

Si certains ont adopté les solutions de compostage et savent maîtriser la valorisation de leurs épluchures, d’autres se questionnent sur l’ensemble de leurs biodéchets : où vont ces déchets issus de la nature ? En allant dans la poubelle, vont-ils polluer notre planète ? Des professionnels se sont penchés sur cette question.

Il y a quand même une philosophie de retour à la terre, estime Jean-Jacques Mulleris, directeur général de Serveco. Jeter des biodéchets pour qu’ils soient enfouis, c’est un non-sens ». Il n’est pas le seul à faire ce constat. Selon le professionnel, dont la société était au départ spécialisée dans la collecte et le traitement des huiles usagées, la législation en vigueur, qui obligera les gros producteurs de biodéchets à trouver des solutions de valorisation d’ici 2023, poserait quelques problèmes aux acteurs de la restauration. « Il y a d’abord le coût des collectes mais aussi le manque de centres de traitement agréés, explique-t-il. C’est toute une filière complexe à comprendre, pas facile à suivre. D’un côté, il y a cette difficulté de séparer les biodéchets des autres déchets puis de les faire collecter ».

Pour Stephan Martinez, directeur général de l'entreprise Moulinot, « à peine 10 % des biodéchets seraient valorisés actuellement en France. »

Des inspirations coréennes

Serveco, avec son expérience dans les huiles usagées, s’est donc intéressé de près aux biodéchets. « On a bien étudié la question et on s’est dit qu’en terme d’ergonomie, la meilleure solution pour nous c’était la déshydratation qui a l’avantage de réduire de 70 à 90 % des biodéchets, poursuit le professionnel. On a conçu une machine qui permet de faire cette déshydratation, les biodéchets ressortent alors sous forme de poudre stable qui peut se stocker dans le temps ». La machine en question, appelée Daisy®, est inspirée de modèles similaires existant en Corée. Jean-Jacques Mulleris a dialogué avec ses homologues coréens : « Là-bas, cela fait longtemps qu’ils ont des interdictions de transport de déchets alimentaires non traités. On a essayé de faire importer les machines mais elles n’étaient pas aux normes européennes, on a donc fabriqué notre propre modèle ».

Encore du chemin à faire

Dans les cuisines, il faut faire attention aux déchets entrants et aux déchets sortants. Serveco accompagne ses clients dans la mise en place de ses équipements et des collectes pour des centres agréés. Pour le directeur général, on est pourtant encore loin du compte : « La loi n’est presque pas appliquée à l’heure actuelle. 3 % des acteurs l’appliquent réellement, 10 % croient l’appliquer… et puisqu’il n’y a pas de contrôles et très peu de centres agréés, les choses évoluent très lentement », indique-t-il. Même constat pour Stephan Martinez, directeur général de l’entreprise Moulinot, qui estime que 10 % des biodéchets, « à peine », seraient valorisés actuellement en France.

Un marché en pleine croissance

Restaurateur professionnel et fin pédagogue, Stephan Martinez a commencé à faire du lombricompostage dans les caves de ses établissements. L’expérimentation est devenue une référence dont la loi de 2012 s’est inspirée. « On a monté des projets sur le bassin parisien impliquant 80 professionnels, collectant en un an plus de 580 tonnes de biodéchets », raconte-t-il. Moulinot est né à la suite de cette expérience, en montant une filière de A à Z. « En optant pour la méthanisation, on a fondé un centre de traitement à Stains autour d’une logique de réinsertion et création d’emplois. On recrute des chauffeurs que l’on forme à la collecte. »

Pour ces experts des biodéchets, la restauration collective représenterait un marché colossal, « sensible au sens de ces actions », selon Stephan Martinez. Le seul frein, pour Jean-Jacques Mulleris, serait la “co-responsabilité des déchets” : « On a le prestataire qui les produit et le propriétaire du restaurant qui en est aussi, indirectement, le responsable. »

Serveco a créé Daisy, une machine qui permet de réduire les biodéchets de 70 à 90 % en les déshydratant. Ils ressortent alors sous forme de poudre stable qui peut se stocker dans le temps.

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Qu'est-ce qu'un biodéchet ?

Selon l’article 3 de l’ordonnance du 25 juillet 2020 modifiant l’Article L.541.1.1. du code de l’environnement, ceux-ci sont les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine provenant des ménages, des bureaux, des restaurants, du commerce de gros, des cantines, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que les déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires.

Que dit réellement la loi en matière de biodéchets ?

Depuis 2012, les gros producteurs de biodéchets sont tenus de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique. À janvier 2023, cette obligation s’adressera aux personnes qui produisent plus de cinq tonnes de biodéchets par an. Les traitements extérieurs comme le brûlage à l’air libre n’est pas autorisé.

Anticiper et chercher des solutions en circuit court

C’est le conseil de Didier Thevenet, directeur du restaurant municipal de Lons-le-Saunier. « L’objectif était de valoriser à coût zéro l’ensemble de nos déchets verts et fermentescibles. Nous avons recherché des filières locales qui sont intéressées, déposé les dossiers en préfecture pour les faire valider par les services vétérinaires et passé des conventions. Depuis quelques années, nos déchets de la légumerie repartent chez les agriculteurs pour faire du compost et nos déchets de table, triés par nos clients, vont à un élevage de chiens qui passe 2 fois par semaine. C’est une contrainte, mais l’organisation du tri se met en place naturellement. Cela fonctionne très bien et il n’y a pas de coût particulier de traitement. »

 

Anaïs Rambaud