L’assiette en commun

Le 30/04/2021
Témoignage : Philippe Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine (94), président du Siresco
 

Trois axes pour améliorer l'offre du Siresco

Trois axes pour améliorer l’offre du Siresco sont au coeur de l’engagement du nouveau président et de ses équipesAvec quelque 45 000 repas servis quotidiennement dans 19 villes de la région parisienne et de l’Oise, le Siresco compte parmi les principaux syndicats intercommunaux de restauration collective. À sa présidence, Philippe Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine, fait figure d’exception par sa conception d’une restauration de qualité et engagée dans la protection de la planète.

Premier axe : redonner aux villes des pouvoirs et les appeler à convoquer leurs responsabilités

« Le Siresco n’existe pas pour lui-même, c’est un syndicat intercommunal, un outil que les villes ont créé et font vivre, explique Philippe Bouyssou. Elles ont un outil commun pour répondre à un besoin. Les maires doivent assumer ce qu’il y dans l’assiette des enfants de leur commune. Cette année, nous avons augmenté de 0,15 centimes le prix du repas en expliquant clairement comment cette hausse se décompose dans un esprit de transparence. Par exemple, la part du bio est de 20 % depuis 2019 et l’objectif est d’atteindre 25 % en 2021. Une part sera aussi consacrée à la construction d’une nouvelle cuisine pour mieux répondre aux besoins de qualité. »

Et de poursuivre, « Nous sommes passés d’une époque où l’intercommunalité dans le secteur de la restauration collective avait comme premier souci d’épargner le budget des villes, que les repas coûtent le moins cher possible pour un service de qualité. Maintenant, il faut que l’on transforme l’outil pour faire nôtres les enjeux sociétaux. Par exemple, notre adhésion à une coopérative bio contribue à avoir 20 % de produits bio en moyenne dans un repas. Mais aussi à avoir un regard sur la traçabilité des produits et à favoriser les réseaux de proximité. »

 

Deuxième axe : du développement durable à la loi EGAlim

Le deuxième axe stratégique dans les évolutions du Siresco est relatif aux enjeux du développement durable, à la qualité des denrées, la loi EGAlim, le recours aux produits bio et lutte contre le gaspillage. Proposer un double menu dans les cantines scolaires est vecteur de baisse du gâchis alimentaire. Tout comme éduquer les enfants au tri des déchets. Mais la question du gâchis n’est pas de la seule responsabilité des acteurs de terrain. Elle est impactée par les politiques publiques.

« En France, le modèle que l’on connait aujourd’hui doit évoluer très vite, estime Philippe Bouyssou. On encourage le gâchis alimentaire et la surproduction en faisant des ristournes d’impôt aux grands distributeurs et en rendant dépendante de ces reliquats alimentaires la solidarité alimentaire. Le droit à l’alimentation doit être considéré comme un droit universel pour les populations en très grande difficulté. La situation sanitaire va être marquée par 3 à 4 ans de précarité avec une grande pauvreté où les seules en capacité d’y faire face et directement impactées seront les collectivités locales.

Il faudra que l’on soit vigilant car on ne peut pas tout prendre sur le dos et créer de l’illusion. Les collectivités locales sont au premier rang mais elles ne doivent pas avoir une posture d’isolement, voire de surenchère entre elles mais au contraire construire des communs et faire émerger en partant du local des éléments systémiques qui permettront de construire autre chose, en particulier dans le secteur de l’alimentation. »

Pour le président du Siresco, il est également essentiel d’offrir aux convives moins de produits déjà préparés, d’aller vers une restauration cuisinée plutôt que de proposer une cuisine d’assemblage. Ainsi, le Syndicat réfléchit à réduire les cuisines centrales, car au-dessus de 12 000 repas par jour il devient difficile de tout cuisiner. Et dans le cadre de la loi EGAlim une réflexion sur la réorganisation architecturale des cuisines et la création d’une nouvelle cuisine pour intégrer l’utilisation de contenants réemployables en verre et en inox.

Troisème axe : la logistique

Le troisième défi est donc de repenser la structure du Siresco en matière de logistique, porter une nouvelle vision de la restauration collective et créer les conditions de la mutabilité du projet. « Est-ce que les cuisines centrales avec une liaison froide représentent le modèle d’avenir ? Je ne sais pas, s’interroge le président du Siresco. Il faut des structures fonctionnelles et bien adaptées aux modes de fabrication qui découlent des modes de restauration. Il faut être innovant. On a déjà un projet sur Romainville. Cela servira à analyser l’expérience et alimenter collectivement la réflexion du Siresco. Peut-être que dans 10 ans, le Siresco ne sera qu’un groupement de commandes pour alimenter les villes. »

Autre piste d’évolution qui fait également l’objet d’études approfondies : avoir recours à des partenaires issus de l’économie durable et socialement responsables. C’est une démarche plus exigeante que de se limiter à passer des barquettes en matière plastique en biosourcé, mais c’est plus intéressant sur le long terme. Il s’agit de devenir acteur d’un mouvement global. « Il faut que la part d’assemblage soit réduite au profit d’une vraie cuisine avec des achats en circuits courts, estime Philippe Bouyssou. C’est le cas avec les repas des personnes âgées. On les réalise à Choisy-le-Roi pour les distribuer sur l’ensemble de nos villes. Il faut réduire les trajets et calculer le bilan carbone de nos livraisons. »

 

Ivry, territoire d'expérimentation

Dans sa commune, le président du Siresco s’emploie aussi à réfléchir à un autre modèle de restauration collective en y adossant tous les besoins sociaux de la population.

Instaurer des rencontres entre les associations d’aides alimentaires et les élus pour croiser les approches et bonnes pratiques représente un levier pour construire ensemble. « Il s’agit de remettre du commun entre associations alimentaires de solidarité, définir ensemble des orientations politiques. Il faut trouver des solutions pour garantir un droit à l’alimentation pour tous, affirme l’élu. Et nous avons besoin de tous les acteurs mobilisés. Nous disposons d’un service public support qui permet un véritable engagement citoyen. Le tiers secteur a inventé un modèle peu hybride. Aujourd’hui, il faut réfléchir à un modèle mixte avec une double démarche : accompagner ceux qui peuvent encore cuisiner, leur proposer des cours de cuisine à partir de denrées brutes mais aussi tenir compte de ceux qui n’ont plus la capacité de cuisiner, comme par exemple les personnes vivant dans des hôtels, en leur donnant des repas préparés. »

 
De l’assiette à la planète
 
Le Siresco, syndicat intercommunal de restauration collective, dirigé par Frédéric Souchet (voir L’Autre Cuisine n° 13), fournit chaque jour 45 000 repas réalisés dans trois cuisines centrales situées à Bobigny, Ivry-sur-Seine et Choisy-le-Roi. Les 19 villes d’Île-de-France adhérentes au syndicat profitent des repas distribués dans les restaurants scolaires et péri-scolaires, des crèches municipales, des restaurants communaux, des foyers de personnes âgées et dans le cadre de portage à domicile. De la confection à la livraison, le Siresco compte 174 emplois.
Depuis 2019, le Siresco a pris de nouveaux engagements Mon Restau Responsable® selon 3 axes : développer une offre alimentaire adaptée à chaque population de convives, agir en faveur d’une assiette responsable par le recours à des aliments durables, labélisés, bio, aux circuits courts, limiter les aliments transformés, les éco-gestes en limitant le gaspillage alimentaire, en réduisant les bio-déchets et en améliorant la collecte des flux. L’engagement social et territorial se traduit par un accompagnement des convives, la mise en valeur des plats et un parcours d’intégration et de formation des personnels. Enfin, en matière de nutrition, le syndicat intègre dans ses menus des alternatives aux protéines carnées avec des plats à base de protéines végétales.

Carmen Rubia