De la bonne action à la restauration

Le 12/05/2021

De plus en plus d’élus s’emparent des sujets agricoles et alimentaires, même si la politique de l’alimentation est du ressort de l’État. Une compétence qu’il partage entre les ministères (Agriculture, Santé, Environnement, Économie, Commerce et Artisanat, Consommation, Éducation nationale, Industrie, Recherche et Cohésion sociale). Les débats sur l’alimentation, sur la stratégie alimentaire et sur les projets alimentaires territoriaux fleurissent. Les programmes, études, associations et autres livres blancs traitant de l’alimentation se multiplient. La question du “local” s’impose. On parle de souveraineté, d’autonomie, de reterritorialisation. La gestion des approvisionnements de la restauration scolaire devient sujet pour la collectivité.

La crise sanitaire a amplifié ce mouvement qui s’est développé essentiellement après les États généraux de l’Alimentation (EGA, 2017). Sollicitées tout azimut, les collectivités essayent de répondre et interviennent là où le besoin de puissance publique se fait sentir, là où une certaine défaillance de l’État-nation s’exprime. Plus que jamais, on oppose le global au local en espérant tout solutionner sur le territoire, même si la confusion des rôles s’amplifie. Certaines collectivités l’ont compris à leurs dépends. Mieux saisir son périmètre d’actions et ses compétences, c’est mieux flécher ses prérogatives et sa mission.

De la notion à l'obligation

Au niveau des territoires, depuis la loi Nôtre, seules les communes ont gardé la clause de compétence générale quand elles n’en ont pas transféré certaines d’entre elles à l’intercommunalité dont elles dépendent. Pour les autres échelons, départemental et régional, la notion de chef de file prévaut : les départements pour l’action sociale, les infrastructures et le fonctionnement des collèges – dont les cantines –, les régions pour le développement économique, l’aménagement du territoire, les transports non urbains et le fonctionnement des lycées – dont leurs cantines.

En matière d’alimentation, le sujet sur lequel les collectivités et en premier lieu, les communes, sont sollicitées est bien celui de la restauration scolaire, un service non obligatoire pour la commune. Mais nous ne connaissons pas une commune qui ait refusé d’organiser ce service public. A contrario, ce service est obligatoire pour les départements dans la gestion de la restauration scolaire des collèges, et des lycées pour les régions.

Si le service de restauration scolaire revêt une importance croissante aux yeux des élus et qu’il est mobilisable pour une politique alimentaire locale, surtout pour les citoyens, au-delà des convives, il n’est effectif qu’en période scolaire, soit 150 jours par an en demi-pension. En comparaison aux 14 repas hebdomadaire de chacun, les collectivités coordonnent la production de 4 à 5 repas par semaine et ceci moins de 40 semaines par an. C’est dire son peu de poids dans l’économie globale de l’alimentation sur le territoire !

De la (re)connaissance du professionnel

Aujourd’hui, les textes législatifs et réglementaires relatifs à l’ensemble de la chaîne alimentaire et en lien avec la gestion de la restauration scolaire sont complexes à appréhender et compliqués à appliquer, à commencer par la règlementation sanitaire ou le “Paquet hygiène” qui met en avant la “responsabilité civile et pénale des professionnels”. Cette réglementation précise qu’il leur faut “servir des produits sains, loyaux et marchands” avec une obligation de traçabilité et d’archivage des informations pour les services de contrôles et le retrait ou rappel de produits à risque.

Les professionnels et leurs réglementations

Dans ce contexte, les “professionnels” représentent l’ensemble des “sachants” de la chaîne alimentaire : les personnels de salle et de cuisine quel que soit leur statut, public ou privé, le chef de cuisine, l’intendant, le gestionnaire de cuisine centrale, de cuisine ou d’office satellite, les fournisseurs de matières premières, les logisticiens et transporteurs et les autorités organisatrices, et donc les élu(e)s.

Concernant les autres réglementations applicables en restauration collective, il faut signaler le Code général des collectivités territoriales en matière de gestion des services publics administratifs doublé du Code de la commande publique, à appliquer soit pour déléguer le service, soit pour en externaliser certaines missions ou encore pour assurer en propre sa gestion en achetant les denrées alimentaires, en gérant les personnels, en conventionnant avec le rectorat pour ce qui est de la gestion des temps périscolaires dans lequel se trouve la pause méridienne.

Des objectifs fixés par la loi EGAlim

Depuis maintenant deux ans, les autorités organisatrices du service public de restauration collective doivent tout faire pour mettre en oeuvre les objectifs issus de la loi EGAlim :
• à partir du 1er janvier 2022, servir des repas comprenant 50 % de produits vertueux dont 20 % de bio.
• au plus tard le 1er janvier 2025, éliminer tous les contenants alimentaires de cuisson, réchauffe et de service en matière plastique (1er jan vier 2028 pour les collectivités territoriales de moins de 2 000 habitants).
• et, à titre expérimental, servir au moins une fois par semaine un menu végétarien.

La restauration collective, un service complexe à gérer

Il ne faut pas oublier enfin les compétences des communes – quand elles ne les ont pas transférées au niveau intercommunal – qui peuvent avoir un rapport indirect avec l’alimentation comme, par exemple, la politique foncière liée aux projets d’urbanisme et de logements, celle de l’environnement, et enfin de l’aide sociale avec le CCAS qui abrite souvent la politique de l’aide alimentaire au niveau local.

Sans aucun doute, administrer les services de restauration collective nécessite beaucoup d’ingénierie, de la production aux achats en passant par l’encadrement des équipes, les contrôles, les responsabilités... Face à cette complexité législative et règlementaire, à la difficulté de gérer un service de restauration, n’est-il pas préférable de s’assurer de la qualité de ce service avant de se lancer dans des aventures qui ne sont pas des prérogatives de l’élu ?